Les mages et l’antisémitisme

4 janvier 2020

Dès que les mages sont renseignés par Hérode et savent que le roi des Juifs doit naître à Bethléem, l’étoile, qui leur avait révélé cette naissance, se met à les guider. Le texte dit : « Et voici que l’étoile qu’ils avaient vu à l’orient les précédait ». Beaucoup lisent cela sans s’interroger. Mais, c’est tout de même très étonnant ! Pourquoi l’étoile n’a-t-elle pas guidé les mages à Bethléem dès son apparition ? Cela leur aurait évité le détour par Jérusalem et, surtout, cela aurait évité la suite, le massacre des enfants et, aussi, la fuite en Egypte.

En fait, ce type de récits - avec ce texte nous avons un récit très particulier … ce type de récits a besoin d’être décrypté. Le non-dit est très important et même, souvent, l’essentiel.

Si les mages vont à Jérusalem avant d’aller à Bethléem, c’est qu’ils devaient aller à Jérusalem. Et s’ils devaient aller à Jérusalem, c’est qu’ils devaient y vivre ce qu’ils y ont vécu. Et qu’ont-ils vécu à Jérusalem ? Ils y ont reçu la révélation des Ecritures. A la question : où doit naître le roi des Juifs, les scribes leur répondent : « C’est à Bethléem, en Judée, car voici ce qui est écrit par le prophète : Et toi, Bethléem, terre de Juda, c’est de toi que sortira le berger de mon peuple.

Les mages sont des païens, à qui est faite la révélation de la naissance de Jésus. Cette révélation est faite à des païens, non à des Juifs ! Mais il faut que ces païens, avant de pouvoir adorer le roi des Juifs, reçoivent des Juifs les Ecritures. Une fois cela réalisé, l’étoile pourra les guider jusqu’à l’endroit où se trouve l’enfant. Mais, seulement cela étant réalisé ! Aux païens l’étoile, aux Juifs les Ecritures !

Pour moi, il y a là le fondement de notre relation avec les Juifs. Nous, qui sommes chrétiens, nous qui avons reconnu dans l’enfant de Bethléem le messie promis au peuple d’Israël, nous avons à recevoir des Juifs les Ecritures. C’est vrai aujourd’hui pour nous comme cela a été nécessaire pour les mages hier.

L’histoire des relations entre Chrétiens et Juifs a connu beaucoup de pages sombres. Bien sûr l’antisémitisme d’Hitler est d’origine païenne, mais l’antijudaïsme qui s’est fortement développé au temps de la chrétienté a alimenté cet antisémitisme. Nous ne pouvons pas nous exonérer de toute responsabilité quand il s’agit de l’extermination nazie.

Nous avons peu l’occasion, nous chrétiens de Courthézon, de rencontrer des Juifs et de dialoguer avec eux. Personnellement, je l’ai fait, un peu, dans le cadre interreligieux à Orange. Il y avait, aussi, des musulmans et donc dans ce contexte le dialogue était pour ainsi dire indirect. Mais, s’informer sur le dialogue qui se mène au plus haut niveau entre Juifs et Chrétiens fait partie de notre foi. Par ailleurs, nous avons à être, comme chrétiens, particulièrement vigilants sur l’antisémitisme, qui loin d’avoir disparu connaît aujourd’hui un retour grave. Cela est alimenté par les conflits du Proche Orient. Et l’on n’est pas antisémite si l’on critique le gouvernement israélien. Mais, il faut faire très attention.

Il y a bien des années, j’ai fait l’effort de me documenter sur l’origine du sionisme, son développement et la constitution de l’Etat d’Israël, puis de son histoire. Par exemple, il est très important de bien situer la guerre des six jours et d’en connaître les suites, l’occupation d’une portion importante des territoires palestiniens.

On ne reviendra pas sur la partition de la Palestine. Et s’opposer à l’existence même d’un état juif c’est tomber, qu’on le veuille ou non, dans l’antisémitisme. Cependant, pour réparer une injustice, celle commise contre les Juifs, on a laissé commettre bien d’autres injustices : contre le peuple palestinien.

J’ajoute un point. Malheureusement les Palestiniens n’ont pas su s’organiser comme les Juifs se sont organisés et le fondateur de leur combat, Arafat, était loin d’avoir l’envergure de Ben Gourion, le fondateur de l’Etat juif.

En fait, nous devons prier pour la paix entre les deux peuples. Dans notre raisonnement, nous pouvons être très pessimistes. Les blocages sont si énormes que la paix, a fortiori la réconciliation, semblent impossibles. Mais, justement, raison de plus pour prier !

Les mages - ces païens qui étudiaient le ciel - sont venus à Bethléem adorer le roi des Juifs, qui venait de naître, mais, auparavant, à Jérusalem, ils avaient reçu les Ecritures. Nous, aujourd’hui, à cause de cela, nous avons à prier pour le peuple d’Israël, pour qu’en son sein les forces de paix l’emportent et qu’une réconciliation effective s’établisse avec les palestiniens, l’autre peuple de ce territoire où est né et a vécu Jésus, qui est le messie d’Israël, et qui, parce qu’il est le Fils de Dieu, est le Sauveur de tous. Amen !