Homélie du Père Doumas

18 octobre 2022

Relisons ce texte. Jésus ne parle pas à la foule, mais à ses disciples. Il y a donc là comme une confidence. Cela ne veut pas dire que c’est réservé à quelques-uns, c’est un enseignement qui vaut pour tous, mais cela veut dire que c’est l’intimité de chacun qui est concernée. D’autre part, Luc annonce clairement que Jésus introduit son propos par une parabole. Et le propos de la parabole est, lui aussi, clairement énoncé : « la nécessité de toujours prier sans se décourager. »

Jésus parle d’une ville, mais il est inutile de se demander laquelle. C’est une parabole, non un récit historique. Quant au juge, il est décrit de manière totalement négative, aussi bien dans son attitude vis-à-vis de Dieu que dans son comportement vis-à-vis des hommes. Il y a symétrie inversée avec le double commandement d’aimer Dieu et d’aimer son prochain.

Ensuite entre en scène une veuve, dont on ne précise pas la condition sociale. Riche ou pauvre, avec ou sans enfant ? Simplement à cause de sa situation elle est en difficulté et il est nécessaire pour elle qu’on lui rende justice. Elle insiste donc. Pourtant elle sait bien que le juge ne craint pas Dieu et ne respecte pas les hommes. Mais son insistance est telle que le juge se décide à rendre justice à la veuve pour ne plus être ennuyé, pour ne plus être « assommé ». Il n’y a de sa part aucune compassion, aucun sens du devoir. C’est un homme dur et sans justice.

Après la parabole, qui n’offre pas de difficulté particulière, il y a un commentaire de Jésus. Il commence par souligner les paroles du juge et il met en contraste le juge sans justice et Dieu, qui est toute justice. Par ailleurs, les « élus » dont il parle sont qui ont foi en Dieu et crient « jour et nuit ». C’est à dire tout le temps, sans interruption. Encore plus que la veuve !

La conclusion du texte est sur la promptitude de Dieu. Luc utilise les expressions : « Les fait-il attendre ? », « bien vite ». C’est donc sans délai que les « élus » sont exaucés. De cette manière Jésus enseigne qu’il ne faut pas se décourager dans la prière. Cela apparaît clairement. Il y a cependant une tension dans ce texte : d’un côté les hommes prient longuement, « jour et nuit » et de l’autre Dieu exauce « bien vite ». Si Dieu exauçait vite, pourquoi faudrait-il que les hommes prient longuement « sans se décourager » ? En fait, la promptitude que Jésus met en avant désigne, plutôt, la certitude que nous avons d’être exaucés et c’est donc au service de l’enseignement : prier sans se décourager.

Tous nous avons fait l’expérience d’une prière exaucée. Je ne pense pas seulement aux demandes adressées à saint Antoine de Padoue ! Et cela a conforté notre foi. Mais, tous aussi nous avons fait l’expérience inverse : malgré une prière très insistante, rien de ce que nous demandions ne s’est produit.

Je vous raconte ce que j’ai vécu à Orange il y a quelques années. Il s’agissait d’un monsieur malade d’un cancer dans une phase avancée. Il était clair que seul un miracle pouvait le guérir et j’ai demandé ce miracle !

J’avais demandé conseil à des amis prêtres et, particulièrement, à l’un d’entre eux, spécialiste des bienheureuses martyres d’Orange. Vous savez que pendant la Terreur, en 1794, un tribunal révolutionnaire a été installé à Orange et qu’en quelques semaines plus de trois cents personnes ont été exécutées, dont 32 religieuses. Celles-ci ont été reconnues martyres par l’Eglise. Elles ont réellement données leurs vies pour la foi.

Ici il me faut parler d’Elisabeth-Thérèse Consolin. Elle fut, en effet, la dernière à monter sur l’échafaud et elle était originaire de Courthézon. Elle y est née le 6 juin 1736. Elle était entrée dans le couvent des Ursulines de Sisteron et en est devenue la supérieure. Mais le 27 septembre 1792 la communauté est dispersée et sœur Consolin se retire dans sa famille à Courthézon. En mars 1794, après avoir comparu à Courthézon, elle est écrouée dans la prison de la cure à Orange. Si elle a été la dernière à être exécutée, elle a été la première à être incarcérée. Elle fut exécutée avec quatre autres religieuses le 26 juillet, le soir même de sa condamnation.

Etant donnée la date de cette exécution, on pourrait associer la martyre de Courthézon à sainte Anne, quand nous célébrons sa fête fin juillet. Nous en reparlerons en temps utile. Mais je reviens à mon affaire.

Les martyres d’Orange sont « bienheureuses », mais pour qu’elles soient déclarées « saintes » il convient que soit constaté un miracle du à leur intercession. Le Père Bouchex avait rédigé une belle prière faisant cette demande. C’est en m’inspirant de cela que j’ai organisé une neuvaine de prière, avec les sœurs brésiliennes d’Orange, et nous sommes allés prier dans la chapelle de Gabet, qui est construite sur le lieu de sépulture des sœurs. Cela s’est fait au cours du mois de septembre et Robert, le monsieur pour lequel je sollicitais le miracle, est mort en novembre. Je n’ai donc pas été exaucé.

Je n’ai pas éprouvé, à proprement parler, une déception. Cependant, cela a interrogé ma foi. Prier aussi fort et avec tant d’insistance et tout cela sans résultat ! Sans effet sur la maladie ! Sur le moment, j’étais troublé. Cependant, pour moi, il a été clair, le temps venu, que toutes ces prières n’ont pas été vaines. Au contraire, j’en ai constaté la fécondité. Elles n’ont pas atteint la cible désignée, mais elles ne sont pas passées à côté de nos vies. Je pense, d’abord, à ce qu’il a vécu lui, Robert, avant sa mort, et à ce qu’a vécu sa fille, qui avait tout abandonné pour s’occuper de lui. Je pense aussi au groupe que j’avais constitué pour l’assister. Des chemins de foi, des ouvertures d’espérance ont été constatées. On ne parlera pas de « miracles », comme l’aurait été la guérison, mais les « grâces » ont été abondantes. Cela n’est pas contestable. C’est même pour moi évident !

Oui, frères et sœurs, notre prière doit être insistante et confiante. Et à cause de cela je vous propose en fin de messe un bref temps d’adoration eucharistique. Je vous explique comment cela va se passer.

Le chant de communion se prolongera au-delà de la distribution de la communion. Je disposerai sur le bord de l’autel un ostensoir, très simple, avec une hostie consacrée pendant la messe. Il y aura aussi le ciboire et la coupe d’encens. Quand le chant de communion s’achèvera, je ferai une courte introduction, je me mettrai à genou sur la marche du chœur et nous adorerons en silence. Cinq minutes ! Puis, sans me lever, je lirai l’oraison de communion. Alors, une personne viendra m’aider pour porter les hosties au tabernacle. En revenant au pupitre du célébrant, je ferai les annonces paroissiales et nous prendrons le chant d’envoi.

 

Tout cela, frères et sœurs, est au service de notre foi et de notre amour pour le Seigneur. Que chacun de vous participe. En fin de messe nous ne sommes pas si pressées de rentrer chez nous ! Amen.