Homélie obsèques

3 mai 2019

Nous sommes dans la semaine de Pâques et nous venons de lire la visite des femmes au tombeau de Jésus dans le récit de saint Marc.

Ces femmes sont dans le deuil. Elles viennent à la tombe de Jésus sans autre espoir que de pouvoir lui donner ce qu’on n’a pas pu faire pour lui au moment de la sépulture. Elles veulent quelque chose de digne, comme on fait pour les morts. Elles portent, donc, des aromates. Cependant, prémonition ? Elles se demandent qui roulera la pierre. En effet, dit le texte, elle est très grande.

Il faut les imaginer courbées, vêtues de noir et marchant à pas lents. Elles avaient cru en Jésus, il était, pour elles, comme pour les disciples, le « messie » - celui que Dieu avait promis à son peuple Israël. Et voilà que les Romains, à l’instigation des grands prêtres, l’avaient crucifié. Il était mort entre deux bandits. Au-dessus de sa tête, il y avait le motif de la condamnation par Pilate : « Jésus de Nazareth, le roi des Juifs ».

Les femmes se sont levées très tôt. Quand elles arrivent au tombeau, le jour se lève à peine. C’est ainsi que c’est dans la pénombre du matin qu’elles entrevoient la pierre roulée, sur le côté, et le tombeau ouvert. Elles sont saisies d’étonnement, cependant, surmontant leur peur, elles entrent. Et voilà qu’on s’adresse à elles : Jésus n’est plus là, il est ressuscité !

« Ressuscité » ? Le mot nous est devenu familier, mais pour ces femmes, submergées par la tristesse, le mot « ressuscité » est mystérieux. Il faut les imaginer, sortant du tombeau, et se le répétant : « ressuscité », « ressuscité » … Et, cette fois, elles courent. Elles portent la nouvelle ! « Ressuscité », « ressuscité » … Pierre et les apôtres, à coup sûr, comprendront.

En fait, les apôtres ne comprirent pas grand-chose. Ils estimèrent même que les femmes déliraient. Un tombeau qu’on ferme sur un mort reste fermé et le mort reste dedans ! C’est l’expérience commune, universelle. On ne connaît pas que cela se soit passé ailleurs autrement. Et pourtant les disciples vont bientôt se lancer dans la folle aventure du christianisme. Ils vont proclamer la Résurrection à Jérusalem et en Judée, et puis en Galilée. Bientôt il y aura des disciples à Antioche, la grande ville de l’Orient - là où les disciples commenceront à s’appeler chrétiens. S’adjoindra à eux un certain Saul, qui deviendra saint Paul. Dès lors, partout vont se créer des Eglises. Et les apôtres iront jusqu’au bout. Ils iront jusqu’à Rome et jusqu’au martyre. Ils donneront leur vie pour attester que Jésus est ressuscité.

Bien sûr, ils avaient côtoyé Jésus et ils avaient été impressionnés par ses actes et ses paroles. Ils l’avaient entendu proclamer les béatitudes et ils l’avaient écouté raconter les paraboles. Tantôt c’était devant une foule, tantôt c’était en petit groupe. Certains de ses miracles étaient inscrits au plus profond de leur mémoire et leur revenaient sans cesse les rencontres avec Zachée et Bartimée, avec la samaritaine ou la femme adultère. Ils étaient tout imprégnés des paroles de la Cène, lors du dernier repas : « Ceci est mon corps. Ceci est mon sang ». Ils se souvenaient, aussi, du lavement des pieds : quand Jésus s’était levé, et, un tablier aux reins, avait accompli pour eux ce geste, que seuls font les esclaves. Et tant et tant de choses, qui leur avaient fait tout quitter : leur métier, leur famille et, plus encore, les habitudes traditionnelles du judaïsme.

Tout cela était considérable. Mais, la mort est un verdict sans appel. Jésus, avait dit tout cela, Jésus avait fait tout cela, mais il était mort et qui plus est mort d’une mort infamante : la crucifixion. C’est ainsi qu’il avait été exécuté avec deux bandits ! Il était mort et on l’avait enterré. Sans doute cela s’était fait sans grand apparat, mais cela avait été fait. La pierre avait été roulée. Et, donc, sans conteste, l’affaire Jésus était terminée. Chacun n’avait plus qu’à retourner chez soi. Depuis Jérusalem on allait rentrer à la maison, en Galilée.

Mais voilà que survient un autre événement, cette fois, décisif, littéralement renversant. Jésus se montre vivant aux disciples. C’est cela la « résurrection ». Jésus, qui se montre vivant ! Ils en ont eu preuves sur preuves. Et, du coup, la mort perd son évidence. Sa victoire se transforme en défaite. La mort est vaincue ! La vie nouvelle, celle du Ressuscité, triomphe.

Les femmes sont allées au petit matin au tombeau. Il était ouvert et vide. Jésus n’était plus là. Je veux dire, son cadavre. Mais, si elles ont entendu un message, elles n’ont rien vu. C’est le soir de Pâques que tout bascule vraiment. C’est le moment des « apparitions ». Et cette fois ce sont les disciples qui en font directement l’expérience.

Frères et sœurs, nous avons reçu cela. Depuis vingt siècles, de génération en génération, cela s’est transmis, intact et toujours neuf : Jésus est ressuscité ! C’est cela qui fait de nous des chrétiens ! Mais être chrétien, ce n’est pas seulement dire que Jésus est ressuscité. En effet, quand on est chrétien, on dit que Jésus est ressuscitant ! Il n’a pas vaincu la mort pour lui seulement. Pour ainsi dire, la résurrection n’est pas égoïste : que pour Jésus. Au contraire, c’est l’acte le plus altruiste de l’histoire humaine. Jésus ressuscite pour nous faire entrer dans la vie de Dieu. Car, c’est cela notre vocation d’homme : vivre de la vie de Dieu. Nous vivons notre vie sur la terre, mais la mort n’abolit pas notre naissance. La mort n’abolit pas notre naissance ! Nous sommes nés pour toujours. Nous sommes nés pour vivre de la vie même de Dieu.

Ce matin, nous célébrons cela pour Henri. Par notre prière, nous l’accompagnons dans cette entrée dans la plénitude de la vie. Et, donc, prenons maintenant un moment de silence, un moment d’intériorité : c’est dans notre intériorité, dans notre cœur, que se décide ce qui est important dans nos vies. Et là, dans notre cœur, qui parle dans le silence, disons à Dieu : « Seigneur, accueille Henri dans ton Royaume ! » Oui, frères et sœurs, prenons le temps du silence, le temps de l’acte intérieur, le temps de la prière.