Homélie du Père Doumas

27 juin 2021

Il y a foule autour de Jésus. L’évangile dit qu’on s’écrasait. En Provence, on dirait « on s’esquichait » ! Et, dans cette foule, une femme. Elle bataille ferme pour s’approcher de Jésus. Elle veut toucher son vêtement. Et elle va y arriver !

En fait, dans son esprit, cette foule la protège. Elle lui permet de rester incognito. Si elle touche le vêtement de Jésus, personne ne s’en apercevra. Car, elle est atteinte d’une maladie qui lui fait honte. Elle a des pertes de sang. Elle a vu un grand nombre de médecins et elle a dépensé beaucoup d’argent. En vain ! Sa situation s’est même dégradée. Mais, il y a Jésus. Pour elle, c’est sa dernière chance.

Incontestablement, elle a une foi réelle. Jésus le lui dira : « Ta foi t’a sauvée ». Mais, de toutes manières, désormais, elle n’a plus rien à perdre. Elle jette, donc, toutes ses forces pour toucher le vêtement de Jésus. Peut-être ça va marcher !

Et ça marche ! A peine a-t-elle touché le vêtement de Jésus qu’elle se sait guérie. L’évangile dit : « A l’instant l’hémorragie s’arrêta et elle sentit dans son corps qu’elle était guérie de son mal. »

Pour elle, c’est fini. Le but est atteint. Elle est infiniment soulagée et elle n’a pas même l’idée de remercier Jésus ou de glorifier Dieu. Mais, Jésus réagit.

On a le sentiment qu’il réagit vivement. A ses paroles, on a l’impression qu’il réagit comme quelqu’un à qui on a volé quelque chose : « Qui a touché mon vêtement ! » Les disciples, presque, se moquent de lui ! « On s’écrase autour de toi et toi tu demandes qui m’a touché » ! Mais, Jésus cherche. Il regarde tout autour de lui. Son regard devait être insoutenable. Il veut absolument savoir qui l’a touché.

C’est alors que la femme se dénonce. Elle est « saisie de crainte et toute tremblante ». Elle se jette à ses pieds et en quelques mots elle lui dit toute la vérité : sa maladie, l’échec des médecins, l’argent dépensé et son désir de toucher Jésus au milieu de la foule à cause de sa honte. Elle lui dit aussi sa guérison. Son aveu, c’est, d’abord, l’aveu de son corps !

Jésus révèle alors le sens de sa réaction. Ce n’est pas une réaction de colère ! Il ne crie pas « au voleur ». Cette guérison ne lui a pas été extorquée. La force qui est sortie de lui était prête, elle était pour cette femme !

Jésus lui dit avec une extrême tendresse : « Ma fille, ta foi t’a sauvée ! » Il ne se glorifie pas de son pouvoir, de cette force de guérison qui l’habite. Non ! Il dit avec tendresse : « Ma fille », en précisant bien : « ta foi t’a sauvée. » Et lui ouvre l’avenir : « Va en paix et sois guérie de ton mal ».

C’est un de ces passages de l’évangile qui font aimer Jésus, qui font qu’on le prend pour maître, qu’on n’hésite pas à être son disciple. Il y a chez lui un véritable amour de la foule. Au bord du lac, posant son regard sur ma foule sans berger, il est saisi de compassion. Mais, il possède une formidable capacité à se concentrer sur une personne. A l’entrée de Jéricho, il y a une foule énorme et Zachée court devant et monte dans le sycomore pour voir Jésus, mais Jésus s’arrête et alors il n’y a plus que Zachée qui compte. De même avec la femme adultère. On peut admirer l’astuce de Jésus qui fait s’éloigner les accusateurs : « Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre ! », mais, en fait, le but réel de Jésus était de se trouver en tête à tête avec cette femme, qui venait de vivre une horreur sa pareille, et lui dire : « Va ! ».

La femme, immédiatement, a su qu’elle était guérie et tout aussi immédiatement Jésus a su que quelqu’un, dans cette foule qui l’écrasait, était guéri. Mais, il ne pouvait pas en rester là. Cette guérison ne pouvait pas être anonyme. Il lui fallait, absolument, parler, rencontrer et dire tendresse et espérance. Sans doute l’évangile ne nous dit pas le nom de cette femme, mais à coup sûr, Jésus l’a su. Et il ne l’a jamais oublié !

Frères et sœurs, Jésus est comme cela avec chacun de nous. Nous pouvons penser que nous sommes perdus dans la foule, simple unité dans une immense multiplicité, mais Jésus, littéralement, zoome sur chacun de nous et nous parle en nous disant notre nom : Hubert, Liliane, Daniel, Roseline, Emilie, Cécile, Karine, Lorenzo, Jean, Damien, Elyette … et cela pour chacun de nous. Et quand nous fermons les yeux, lorsque nous entrons en recueillement, Jésus, à son tour, devient unique pour nous et c’est la rencontre intime, la rencontre d’amour … Amen.