Homélie du 3e dimanche de Carême

5 mars 2021

Nous venons de lire le récit que l’on désigne sous le titre de « purification du Temple ». Nous l’avons lu dans l’évangile de saint Jean.

Jean place l’événement au tout début du ministère de Jésus alors que Marc, Matthieu et Luc le placent à la fin. Par ailleurs, même si bon nombre de parallèles en font le même événement, le texte johannique a beaucoup de caractéristiques propres. Mais, bien entendu, nous n’allons pas faire une étude « synoptique » du passage. Je vais seulement souligner certains traits du texte que nous avons lu.

La scène nous montre un Jésus en colère. Bien entendu une « sainte » colère ! Mais Jean n’hésite pas à dire une réelle violence de Jésus : il fait un fouet avec des cordes et il chasse tous les marchands. De plus, il jette par terre la monnaie des changeurs et renverse leurs comptoirs. Et il dénonce : « Enlevez cela d’ici et cessez de faire de la maison de mon Père une maison des commerce ! »

En fait, tout cela était directement lié au culte du Temple, qui avait sa propre monnaie, et aux sacrifices. D’où l’énumération : les bœufs, les brebis, les colombes. Et la question est donc : Jésus dénonce-t-il des abus, ou bien met-il en question le culte tel qu’il est organisé dans le Temple ?

Manifestement, par-delà la dénonciation des excès, Jésus met en question un tel culte. Il dira à la samaritaine : « L’heure vient où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité. » Et, de fait, à la fin de la guerre menée de 66 à 70 contre les Romains, le Temple sera détruit et jamais reconstruit. Le culte du Temple cessera pour toujours. Il n’y aura plus de sacrifices d’animaux. Tout le culte juif se concentrera sur la synagogue et dans les maisons.

Cependant, le texte de l’évangile de Jean n’a pas cet événement-là en perspective. Ce qui, en réalité, met en question le culte du Temple, c’est la Résurrection de Jésus. Les prêtres objectent à Jésus : « Quel signe peux-tu nous donner pour agir ainsi ? » Et Jésus répond : « Détruisez ce sanctuaire et en trois jours je le relèverai ». Vient, alors, très naturellement, l’ironie de ses interlocuteurs : « Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce sanctuaire et toi, en trois jours, tu le relèverais ! » Et l’évangéliste note : « Mais, lui, parlait du sanctuaire de son corps. »

Il y a donc deux choses. D’une part, le Temple ne sera plus celui rebâti par Hérode le grand à la génération précédente, mais le corps de Jésus et, d’autre part, il y a une annonce de sa Résurrection. Le texte de Jean insiste sur ce point quand il remarque : « Ainsi, quand il se réveilla d’entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu’il avait dit cela et ils crurent à l’Ecriture et à la parole que Jésus avait dite. »

La Résurrection de Jésus concerne, bien sûr, son corps. Mais, quand il substitue son corps au Temple de Jérusalem, fait de pierres extraites de la montagne, il désigne, aussi, ce corps que nous sommes, ce corps qu’est l’Eglise.

Il faut nous rappeler qu’au moment du baptême, après le geste d’eau, il y a le geste d’huile, l’onction, qui fait de chacun de nous un prophète, un roi et un prêtre. Par notre baptême nous sommes tous prêtres. C’est ce qu’on appelle le sacerdoce baptismal.

Quand nous célébrons l’Eucharistie, c’est cela qui est mis en œuvre. C’est le peuple nouveau, celui de l’Alliance nouvelle, le peuple sacerdotal qui célèbre. Bien sûr, ce corps a une tête, qui est le Christ. Et le prêtre signifie à l’assemblée qu’elle ne se donne pas le Christ, mais se reçoit de lui. Cependant, nous sommes ainsi le Temple nouveau, non fait de mains d’hommes, mais de pierres vivantes.

Frères et sœurs, que chacun de nous intériorise cela au plus profond de son cœur et de sa foi. Célébrons l’action de grâces pour le Père, conduits par le Christ et pleinement unis par l’Esprit Saint. Qu’ainsi notre culte, qui n’est plus celui des bœufs et des brebis, soit une belle louange, une magnifique action en faveur du seul saint, qui est Dieu. Oui, frères et sœurs, soyons l’authentique sanctuaire du Christ, celui qu’il a bâti par sa résurrection. Amen