Homélie de l’Ascension

20 mai 2020

Jésus ne monte pas au ciel comme la fusée Ariane ! L’Ascension n’est pas un événement. Elle est un aspect majeur du mystère pascal.

La résurrection de Jésus, elle, est un événement. Son corps a été transformé. Et, le troisième jour, il n’était plus dans le tombeau. : il s’est passé quelque chose ! Qui a bouleversé les femmes, avant que Jésus ne se montre vivant aux disciples. Mais, Jésus ne se contente pas de reprendre vie, de revenir à la vie antérieure, comme Lazare. Il entre dans la vie neuve, celle du Ressuscité. Il va « auprès » du Père. Et c’est pourquoi, associée à la Résurrection, on parle d’Ascension.

C’est Luc, par le récit des Actes, qui est à la source de la fête des quarante jours, du « jeudi » de l’Ascension, mais, dans son évangile, il conclut par un récit d’ascension le soir de Pâques : « Jésus emmena les disciples jusque vers Béthanie et levant les mains il les bénit. Or comme il les bénissait, il se sépara d’eux et fut emporté au ciel ». Et, dans l’évangile de Jean, Jésus dit à Marie-Madeleine, le matin de Pâques : « Dis aux disciples que je monte vers mon Père qui est votre Père, vers mon Dieu qui est votre Dieu. »

La crise du coronavirus met en question les délocalisations. Mais, il nous faut délocaliser l’Ascension ! Ce n’est pas une question de lieu ou d’espace, mais de relation à Dieu. Et c’est ainsi qu’elle sera pour nous un événement spirituel.

En raison même du mot, cet événement spirituel nous invite à « monter ». La vie chrétienne est une montée, une ascension. Personnellement j’ai beaucoup regretté l’abandon de l’expression « vie montante » pour désigner ce qu’on appelle très platement « le mouvement chrétien des retraités ». Sans doute a-t-on gagné en précision sociologique, mais on a beaucoup perdu de la signification de la fin de vie, qui est une « vie montante » ! Certains d’entre vous ont lu, sans doute, un très bel article de la Croix sur la vie spirituelle des personnes âgées.

Dans cette période de confinement, les expériences de vie ont été très diverses. Il n’empêche, la limitation draconienne des relations sociales et la solitude, pure et simple pour certains, ont nécessairement engendré des choses négatives. Et beaucoup ont éprouvé qu’ils s’enfonçaient doucement, et sans toujours en avoir une conscience immédiate, dans un marasme. Peut-être même dans la déprime.

J’invite à vérifier ce qui a pu apparaître dans nos comportements comme négatif. J’attire, en particulier, l’attention sur le fait qu’un véritable dérèglement des horaires, dû à la levée des contraintes habituelles, a pu s’établir et affecter le sommeil et les repas. Il y a une nécessité du rythme de vie ! Mais, j’attire aussi l’attention sur les addictions. Le confinement a pu avoir un effet virus sur nos manies, sur nos « addictions ». On peut s’enfermer dans des comportements répétitifs et stériles. C’est cela l’addiction. Et donc il faut remonter la pente, prendre le chemin d’en haut, vers le haut !

Très couramment, et nous le savons bien, il y a ce qui abaisse et ce qui élève. Il y a des propos ou des comportements qui, littéralement, avilissent, mais d’autres qui, au contraire, élèvent. Il y a bel et bien le bas et le haut. Monter n’est pas descendre. La vie spirituelle du chrétien est une montée !

Dans la vie spirituelle, comme dans le Tour de France, il est plus difficile - mais bien moins dangereux - de monter que de descendre. Et comme dans le Tour de France, il faut avoir le bon braquet. Trop grand, il exige un effort trop important, trop petit on mouline. Il est bon, par ailleurs, de regarder le sommet, le regard tourné vers le haut entraîne. Mais, à certains moments, il vaudra mieux fixer le regard sur la route et ainsi franchir chaque lacet l’un après l’autre. Il faut toujours éviter le découragement ! Il faut se dire qu’on est appelé au sommer et que nous avons avec Jésus un maillot jaune insurpassable. Il est devant et il nous entraîne.

L’image du Tour de France est très suggestive. Certes, chacun a son vélo, mais on est en équipe. Bien sûr, on peut toujours faire l’ascension du Ventoux en solitaire, mais justement il s’agit du Tour de France. Il y a les équipiers, mais aussi les entraîneurs, les masseurs, les soigneurs. A l’arrivée de l’étape, car il y a des étapes, c’est très important, mais même pendant la course : on est soutenu, encouragé, aidé. Les équipiers, ce sont nos frères et soeurs en Église, mais ce sont aussi les saints et tous ceux qui nous ont précédés. Et ils sont foule. La foule du Tour de France est énorme. Celle de l’ascension spirituelle l’est bien plus ! Frères et sœurs, soyons de ceux qui montent, qui sont animés par le but : la rencontre du Seigneur Vainqueur et qui, dans l’effort de monter, découvrent la vérité de leur vie. Oui, le Vainqueur nous donnera le trophée de la victoire sur le mal et la mort !