Homélie

8 février 2019

Homélie du dimanche 10 février 2019

Pierre - il s’appelle encore Simon - a peiné toute la nuit et la pêche a été infructueuse. Au matin, il est fatigué par cette nuit blanche et vaine. Pourtant, il accueille Jésus dans sa barque et il l’écoute. C’est la première chose qui se passe dans ce récit et il faut lui donner toute son importance. L’évangéliste ne nous rapporte pas ce qu’a dit Jésus. Sans doute annonce-t-il le Royaume de Dieu.

Tourné vers Jésus, Pierre, sans tout comprendre, emmagasine les paroles de Jésus  ; elles le touchent lui, personnellement. De fait, Jésus parle à la foule, mais ses paroles parlent d’une manière toute particulière à Pierre. Pierre, sans peut-être se l’avouer à lui-même, est touché au plus profond.

Puis, Jésus, de manière très inattendue, donne l’ordre à Pierre d’aller au large et de jeter les filets. Logiquement les charpentiers n’ont pas de conseil à donner aux pécheurs  ! Mais, déjà, Pierre a compris que Jésus n’est pas seulement le fils du charpentier de Nazareth. C’est pourquoi il répond : «  Maître, nous avons pêché toute la nuit sans rien prendre, mais sur ton ordre je vais jeter les filets  ».

Ce n’est pas, de la part de Pierre, de la conscience professionnelle. Au contraire  ! Son expérience professionnelle le dissuade d’une nouvelle tentative. Et, puis, il est fatigué. Ce n’est pas un petit travail de jeter les filets et de les retirer. Mais, le «  Maître  » a donné l’ordre  ! Alors, il jette les filets.

La pêche est littéralement miraculeuse. Mais, le vrai miracle se produit dans le cœur de Pierre : il est retourné pêcher, mais c’est son cœur de pécheur qui est retourné. Il tombe aux pieds de Jésus et dit : «  Seigneur, éloigne-toi de moi, car je suis un homme pêcheur  !  »

En fait, Pierre fait l’expérience de la sainteté de Jésus. En effet, quand elle se révèle, la sainteté de Dieu donne à l’homme d’expérimenter ce qu’il est : un être incapable de s’approcher de Dieu - Pierre s’écrie : «  Seigneur, éloigne-toi de moi  !  »

C’est exactement l’expérience que fait Isaïe. «  Des séraphins se tenaient au-dessus du trône de Dieu et se criaient l’un à l’autre : Saint  ! Saint  ! Saint  ! le Seigneur  !  » Et Isaïe de s’écrier : «  Malheur à moi, je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures.  » Cependant, Isaïe, comme Pierre dans l’évangile, reçoit, alors, sa mission : Isaïe est envoyé au Peuple d’Israël, Pierre ira porter l’évangile jusqu’à Rome.

Frères et sœurs, à notre mesure, il nous faut faire cette expérience  !

Pour le chrétien, l’expérience de la sainteté de Dieu est fondatrice. La sainteté n’est pas une qualité de Dieu, parmi d’autres, comme l’éternité ou la toute-puissance. La sainteté est le propre de Dieu. Dieu est saint et lui seul est saint. Il n’est pas saint d’une sainteté sans reproche, qui serait comme une perfection unique. Il est saint parce qu’il est Dieu, il est saint en tant qu’il est Dieu. Faire l’expérience de la sainteté de Dieu, c’est faire l’expérience de Dieu.

Dans cette expérience de Dieu, l’homme découvre qu’il est pécheur - non pas que lui soient révélés ses péchés, le mal qu’il a fait. Mais, dans cette expérience de Dieu, l’homme découvre son extrême fragilité. Dans l’expérience de la sainteté de Dieu, l’homme découvre qu’il est «  chair  ».

La chair, dans la Bible, ce n’est pas la corporéité, c’est la faiblesse, la faiblesse de l’être de l’homme, sa faiblesse «  ontologique  ». Dieu est saint, l’homme est chair. Dieu est Dieu, l’homme est poussière.

Mais, ce que nous révèlent, aussi, ces deux textes, celui d’Isaïe et ce récit de la pêche miraculeuse, c’est que cette expérience de la sainteté de Dieu et de la radicale fragilité de l’homme pour fondatrice et essentielle qu’elle soit ne s’arrête pas à elle-même, elle débouche sur une alliance, on peut même dire un «  partenariat  », entre Dieu et l’homme : Dieu appelle l’homme à son service - comme si Dieu avait besoin de l’homme  ! La phrase de Jésus à Pierre est bouleversante : «  Sois sans crainte  ! Désormais ce sont des hommes que tu prendras.  »

Jésus, pour faire de Pierre son apôtre, le saisit dans son humanité la plus humble : son métier de pécheur et il en fait un pêcheur d’hommes  !

Frères et sœurs, à notre mesure, faisons cette expérience : Dieu est saint, nous sommes chair, mais saisissant notre chair qu’il a portée par l’incarnation, Dieu nous fait partenaires de son projet. Il fait de nous ses apôtres.