Homélie

16 juillet 2019

On parle, couramment, du « bon » samaritain. Assurément, il est « bon » ! Il s’occupe du blessé. Mais, en réalité, nous avons fortement édulcoré le texte. Nous l’avons blanchi dans la farine alors qu’il est rouge sang. Voyons cela !

Gentiment un docteur de la Loi pose la question à Jésus : « Maître - il lui dit Maître ! Que dois-faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? » Jésus le renvoie à la Loi. Alors, le docteur de la Loi répond, en associant deux passages de l’Ancien Testament : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur et ton prochain comme toi-même ». Jésus approuve : « Tu as répondu correctement. Fais ainsi et tu vivras ».

Logiquement les choses auraient dû en rester là, mais, peut-être trop fier de sa réponse, le docteur de la loi, « voulant se justifier » dit l’évangile, demande à Jésus : « Et qui est mon prochain ? » Et Jésus va répondre ! Mais il ne donne pas une définition ou une explication. Il fait un récit et ce récit est terrible !

Au centre, il y a un blessé, gravement attaqué par des bandits et qui git dans son sang. Le texte dit que les bandits l’ont laissé « à moitié mort ». Ce qui veut dire qu’il n’est qu’à moitié vivant ! Et, puis, entrent en scène trois personnages : un prêtre, un lévite et un samaritain.

Le prêtre et le lévite ont le même comportement : ils voient le blessé et délibérément passe de l’autre côté. Non seulement ils ne s’approchent pas, mais ils se détournent. Il ne faut surtout pas que le blessé les rende impurs ! En effet, s’ils doivent accomplir leur service au Temple il ne faut pas qu’ils touchent le sang. Le sang de l’homme rend impossible le culte de Dieu ! Ces deux hommes ne sont donc pas particulièrement insensibles. Il ne s’agit pas de leur cœur. Il s’agit de leur tête : la loi divine leur interdit de s’approcher !

C’est cela que Jésus dénonce. Il ne prend pas à partie deux représentants zélés de la loi, il s’attaque directement à la loi elle-même, qui dicte leur comportement. Mais, Jésus ne s’en tient pas là. Avec le samaritain, il rajoute une couche et une grosse couche ! C’est à la louche ! Pas à la petite cuillère !

Les samaritains ont construit, en Samarie, un Temple rival du Temple de Jérusalem. Ils disent : « Ce n’est pas à Jérusalem qu’il faut adorer, c’est à Samarie ». Et c’est la haine, farouche, totale, entre Juifs et Samaritains. Que Jésus prenne pour exemple un samaritain contre un prêtre et un lévite de Jérusalem est une énorme provocation !

Quand j’étais à l’aumônerie, j’avais raconté les choses ainsi. Un homme a eu un malaise, juste à l’entrée de la cathédrale et en tombant sur les marches il s’est blessé à la tête. Arrive alors l’archevêque pour célébrer un office, il voit le blessé, mais pressé, il passe et entre dans la cathédrale. Tout de suite après arrive le vicaire général, encore plus pressé : il est en retard. Il voit le blessé et se précipite dans la cathédrale. Passe alors un jeune homme, sans doute d’origine magrébine, qui se promenait au jardin des doms. Il voit le blessé s’approche, le réconforte et le conduit à l’hôpital !

C’est cela la parabole qu’on appelle du « bon » samaritain. Certes, il est bon ce samaritain, mais surtout il est samaritain : un traitre, un hérétique, un affreux. Mais, lui, sa religion ne lui interdit pas de porter secours au blessé. Et c’est là l’enseignement de Jésus : ce qui importe, ce ne sont pas les prescriptions que les hommes ont inventé au nom de Dieu, mais la réalité, très immédiate, très concrète, de l’action à accomplir en faveur d’un homme.

Je termine en disant que c’est cet enseignement qui a conduit Jésus à la mort. Les grands prêtres n’ont pas supporté sa mise en question du Temple. Car, bien sûr, même si cette parabole est une provocation majeure, il y a eu d’autres actions de Jésus. Par exemple lorsqu’il chasse les vendeurs du Temple et renverse leurs comptoirs.

Alors quel enseignement pour nous ? C’est très simple : quand notre conscience nous dicte d’agir en faveur d’un homme dans la détresse, agissons et s’il le faut passons outre aux règles soi-disant religieuses. Amen.