« Que votre oui soit oui »

17 février 2020

L’évangile de Matthieu a une série de controverses entre Jésus et les pharisiens, très argumentée et très développée. Le lectionnaire propose une lecture longue et une lecture brève. La version longue est, effectivement très longue et j’ai préféré la lecture brève : il y a, déjà, beaucoup à dire sur le texte bref !

L’introduction du texte est une formule forte : « Si votre justice ne supasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux ». Jésus signifie par là que l’évangile dépasse la loi. Mais, il faut regarder de plus près.

Trois affirmations sont retenues, l’une concerne le meurtre, l’autre l’adultère et la troisième les serments. Mais, les trois sont bâties sur le même registre : « Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens/moi, je vous dis ». Ce qui donc est mis en avant, fondamentalement, c’est l’autorité de Jésus, capable de mettre en question l’autorité des « anciens ».

Qui sont ces « anciens » ? Pas des personnages particuliers, mais plutôt la tradition qui s’est constituée et qui est présentée comme la « tradition des anciens ».

A propos du meurtre, il est dit que celui qui commet un meurtre doit passer en jugement. Jésus ne met pas cela en question, mais, il déplace le débat. Il dit : « Tout homme qui se met en colère contre son frère doit passer en jugement ». Il reconnaît la colère comme la source du meurtre et il veut prévenir le premier mouvement qui conduit au meurtre. Fort heureusement nos colères en viennent rarement au meurtre !

Quand je confesse les enfants, je leur demande s’ils se sont disputés avec leur petite sœur. Et généralement c’est oui. Je leur demande alors s’ils l’ont déjà envoyée à l’hôpital. Généralement c’est non. Et j’ajoute : « Tu n’as jamais eu envie de l’envoyer au cimetière ? » Et là c’est une grande protestation !

Il n’empêche, la colère fait du mal ! Et j’explique que ma chatte, qui s’appelle Tendresse, a eu des petits chats. C’est super mignons, des petits chats. En particulier lorsqu’ils jouent à se battre. Mais justement les petits chats jouent à se battre, ils ne se battent pas. Trop souvent, nous les hommes, nous commençons par jouer et nous finissons par nous battre. Nous sommes bien plus bêtes que les chats !

Après le meurtre, il y a l’adultère. Jésus rappelle simplement le commandement. Il n’évoque pas la sanction, celle de la lapidation. Mais il ajoute : « Moi, je vous dis, tout homme qui regarde une femme avec convoitise a déjà commis l’adultère avec elle dans son cœur. » Comme pour le meurtre, Jésus remonte au principe, à ce qui met en mouvement vers le mal. C’est le désir qui conduit à l’adultère.

Personnellement, je me gêne pas de dire à une jolie fille qu’elle est jolie. Et quand on aime une personne, on lui parle de sa beauté. Jésus n’est pas pudibond ! Mais, il faut faire attention au « désir ». Il n’est pas toujours facile de le maîtriser, y compris dans une relation de couple. L’union de l’homme et de la femme exprime leur amour et c’est très beau et très bon. Mais, le désir, qui transforme l’autre en simple objet de jouissance, pervertit l’amour. Dans l’amour véritable, on se donne toujours. On ne prend jamais !

La troisième question abordée par Jésus, celle des serments, est assez secondaire. Même si un Père de l’Eglise, comme Jean Chrysostome, y accordait une très grande importance. Ce qui est important c’est le commandement de Jésus : « Que votre parole soit oui, si c’est oui, non si c’est non. » Jésus ne plaide pas simplement la clarté du propos. Il dénonce l’hypocrisie. Et ainsi il invite à la vérité du cœur.

Je crois que, toujours, dans nos cœurs, il y a une part de mensonge. Même le meilleur de moi-même est touché par le mensonge. Je disais récemment à une personne : « Que notre amitié soit sans aucun mensonge ! » Je crois qu’en l’occurrence c’est infime. Mais, justement, quand on aime on aspire à la perfection. Et c’est à la perfection que Jésus nous appelle : que nos oui soient vrais, comme nos non.

Dans ce passage de saint Matthieu, il y a donc trois sujets abordés, mais dans le texte de l’évangile il y en a d’autres et on pourrait les multiplier. L’invitation est, en fait, au dépassement de ce qui est grossier ou mesquin. C’est cet appel à la perfection : à la sainteté ! dont je viens de parler. Peu d’entre nous seront canonisés ! Mais, tous, nous sommes invités à marcher vers le royaume d’un pas alerte et décidé, le cœur rempli de foi et d’amour. Amen.