Homélie du Père Doumas

14 juin 2022

Homélie du samedi 11 juin 2022,

Dimanche de la Trinité.

 

Nous disons que le Père est une personne, que le Fils est une personne, que l’Esprit est une personne. Cela fait donc trois personnes. Et chacune de ces personnes est Dieu. Il y a donc trois personnes divines. Logiquement cela devrait faire trois dieux. On ne parlerait pas, alors, de « trinité » mais de « trithéisme ». Mais, depuis toujours les chrétiens se disent « monothéistes ». Ils croient en un seul Dieu. Et ils se revendiquent tout autant monothéistes que les juifs et les musulmans, qui, cependant, le leur contestent.

Si l’on exige que la rationalité ordinaire s’applique à Dieu, la trinité est impossible. Ou bien on niera la divinité du Fils et de l’Esprit et l’on dira que le Père est seul véritablement Dieu ou bien on dira qu’il y a trois dieux. La trinité n’est pensable que si l’on accepte que, lorsqu’il s’agit de Dieu, la logique ordinaire ne s’applique pas. Mais si la logique ordinaire ne s’applique pas quand il s’agit de Dieu, cela ne veut pas dire que la Trinité est irrationnelle, impossible à penser. En fait, la Trinité, cela se pense !

Bien sûr, on ne prétendra pas élucider le « mystère » de la trinité, comme on élucide le mystère de la chambre jaune. Car, justement, c’est tout autre chose. Mais on peut entrer dans le mystère trinitaire, y pénétrer comme on pénétrerait un immense château ou un très grand jardin. On circule dans le mystère trinitaire et on en « saisit » des aspects. Ce Mystère est, en fait, inépuisable.

Au fondement il y a la relation du Père et du Fils. Le Père « engendre » le Fils. Il ne le fait pas avec une autre, comme un père qui engendre son fils le fait avec celle qui va être la mère du fils. Le Père engendre seul le Fils seul et de tout son être. Cet engendrement fait du Fils un fils parfait, un fils parfaitement égal à son Père. On dit « de même nature que le Père ». Ou, si vous préférez, « consubstantiel » au Père. Ainsi le Fils est réellement distinct du Père, il est, comme lui, une autre personne, et, étant égal au Père, il est Dieu. Mais cela ne fait pas deux Dieux. Car l’identité divine intègre des distinctions qui ne séparent pas. Distincts, le Père et le Fils sont parfaitement unis dans l’unicité divine.

On peut dire que l’engendrement du Fils se prolonge dans la « procession » de l’Esprit. On n’emploie pas le même mot que pour le Fils, on ne parle pas de filiation, mais de « procession ». En effet, il n’y a pas deux Fils. Mais le processus est fondamentalement le même, sauf que le Père engendre seul le Fils et qu’à l’inverse le Père et le Fils font ensemble « procession » de l’Esprit. Les chrétiens d’Orient disent que l’Esprit procède du Père par le Fils, les chrétiens d’Occident abrègent en disant que l’Esprit procède du Père et du Fils.

On peut trouver abscons et inutile cette présentation de la trinité. Cependant, elle a été nécessaire, dans les débuts du christianisme, pour qu’on ne nie pas la divinité du Fils et de l’Esprit ou que l’on n’affirme pas trois dieux. Et c’est important ! Mais, plutôt que de spéculer sur les Trois, je vous encourage à vivre des relations très concrètes avec chacune des trois personnes. A les prier ! Demandons-nous : quand je m’adresse à Dieu à qui je m’adresse ? Certes, je dis « seigneur », mais est-ce le Père ou le Fils ou l’Esprit ?

En priant le Père, je prie surtout le créateur, le maitre de toutes choses. On dit dans le credo « le Père tout-puissant ». Et certes, je me sens « fils » ou « fille » de ce Père, j’éprouve sa tendresse de Père, mais la relation au Père est marquée par la transcendance, par l’autorité et la souveraineté divines. Avec le Fils, je dis « seigneur ». Et, certes, il n’est pas un simple copain, mais la proximité est bien plus marquée. Jésus lui-même dit qu’il est notre frère. Et Paul nous dit que nous sommes « co-héritiers » du Christ, que le Père veut nous donner autant que ce qu’il donne à son Fils. L’humanité du Fils le rend semblable à nous. Et nous savons que s’il a voulu être semblable à nous ce n’est pas par simple désir d’être proche, mais pour que nous devenions semblable à lui.

Il y a la prière au Saint Esprit. En Occident, elle est peu développée. En particulier dans la liturgie. Il y a cependant le splendide « Veni Creator ». Il nous faut réapprendre à prier l’Esprit. Je rêve d’un chant à l’Esprit Saint au seuil de la liturgie de la Parole. Il est l’auteur des Ecritures, il serait bon de le prier pour qu’il nous fasse entrer dans l’Ecriture. On prie l’Esprit pour être éclairée, pour recevoir sa lumière. Et c’est une prière heureuse, joyeuse !

Je n’ai pas parlé du concile de Nicée, ni de celui de Constantinople où nos pères dans la foi ont mis au point un vocabulaire théologique pour exprimer de manière unanime la foi en la Trinité. Mais, je ne veux pas prolonger plus. Et je vous invite à prier les Trois, à prier chacun des Trois. A prier le Père, à prier le Fils, à prier le Saint Esprit. Amen !