Êtes-vous chameau ou moustique ?

12 octobre 2018

Voilà un gentil jeune homme qui se présente à Jésus avec la meilleure bonne volonté : «  Bon maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle  ?  » Mais, tout de suite, Jésus le rabroue : «  Pourquoi dis-tu que je suis bon  ? Personne n’est bon sinon Dieu  !  » C’est un peu brutal. En fait, Jésus ne supporte pas qu’on le complimente, qu’on le flatte. Cela provoque de sa part des réactions immédiates. On pourrait prendre bien des exemples dans l’évangile, mais, là, à ce jeune homme, Jésus répond en citant les commandements : «  Ne commets pas de meurtre, ne commets pas d’adultère …  »
Un peu interloqué sans doute, mais pas démonté le jeune homme répond : «  Maître, tout cela je l’ai observé depuis ma jeunesse.  » Cette fois, il prend bien garde à ne pas dire «  bon maître  », il dit seulement «  maître  ». Mais il repose sa question. Il y a dans ce jeune homme une candeur, une droiture naturelle, qui touche Jésus. L’évangile dit alors que Jésus posa son regard sur lui et l’aima.

Dans ce passage d’évangile, le regard de Jésus est très important. Trois fois, l’évangéliste y insiste. Ici, c’est la première fois. C’est un regard d’amour. Et l’amour appelle : «  Va, vends ce que tu possèdes, donne le aux pauvres et puis viens et suis-moi  » Jésus a un désir d’amour : que le jeune homme le suive, sois avec lui. Vive avec lui.

Quand on aime une personne, le moment privilégié, même s’il est peu fréquent et bref, est celui où l’on est en sa présence. Ici, Jésus appelle à une vie commune, au quotidien des jours : «  Viens, suis-moi  ». Mais, le jeune homme est incapable d’abandonner ce qu’il a pour être avec Jésus. Il est riche, très riche. C’est un déchirement pour lui, une source de grande tristesse. Il aimerait suivre Jésus, mais il ne peut pas. Il ne peut pas  ! Pour lui, c’est impossible. Au-dessus de ses forces.
Le jeune homme s’éloignant, Jésus, à nouveau regarde. L’évangile dit : «  Alors Jésus regarda autour de lui  ». Cette fois, c’est un regard circulaire et Jésus ne parle plus à une seule personne, mais à un groupe, celui des disciples. Et tombe cette phrase extraordinaire : «  Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu  ».

J’aime ces paradoxes que Jésus aime aussi  ; il les pratique beaucoup. Souvent les disciples ne comprennent pas. Mais, cette fois, ils comprennent très bien : si le chameau ne peut pas passer par le trou de l’aiguille, le moustique non plus  ! Et du coup ils se disent : «  Mais alors qui peut être sauvé  ?  » Et pour la troisième fois Jésus regarde et il dit : «  Pour les hommes, c’est impossible, mais pas pour Dieu  ; car tout est possible à Dieu  ».

On a là un texte majeur de l’évangile.
Quand il nous révèle l’évangile, Jésus nous demande des choses impossibles, dont nul d’entre nous n’est capable. Ce n’est pas pour lui de la provocation, mais l’expression de l’exigence radicale de l’amour. Pour Jésus l’amour est radical  ! Cela pourrait nous désespérer, nous pourrions nous éloigner, comme le jeune homme, tout tristes. Mais, l’exigence radicale de l’amour est aussi bonne nouvelle du salut : «  Ce qui est impossible pour l’homme est possible pour Dieu  ».

Je suis incapable d’aimer de l’amour auquel invite Jésus, mais si je commence à aimer, si j’essaye de passer par le trou de l’aiguille, même si je suis un éléphant ou une baleine, lui il me fera passer  ! C’est cela le salut : j’en suis incapable, mais lui en est capable, je n’ai pas les moyens de réaliser la radicalité de l’amour, mais lui il me sauve. Son amour pour moi comble mon manque d’amour.

Frères et sœurs, réjouissons-nous d’être appelés par le Seigneur à aimer, à aimer de manière radicale, - j’aime dire : «  Je vous aime de tout mon cœur  » - et en même temps ouvrons-nous à son salut. Car, c’est seulement par lui que l’on aime  !

Frères et sœurs, c’est par lui que l’hippopotame que je suis passe le trou de l’aiguille. Amen  !