Homélie du Père Doumas

21 décembre 2020

Homélie du dimanche 20 décembre 2020

Nous connaissons bien ce récit de l’Annonciation. Cependant, il est toujours à redécouvrir. Toujours il est source d’enseignement.

La première chose qui est dite est que l’ange Gabriel est envoyé par Dieu. L’ange est un envoyé de Dieu. Ainsi tout ce qu’il va dire est de la part de Dieu. Au passage sachez que, pour les musulmans, c’est tout le Coran qui est révélé au prophète Mahomet par l’intermédiaire de l’ange Gabriel.

Gabriel entre donc dans la maison de Marie, « chez elle » dit l’évangile. Et, très naturellement, il la salue. Ces paroles de salutation sont de très simples paroles de salutation. Gabriel dit : « Je te salue ». Il dit aussi : « Le Seigneur est avec toi ». C’est ce que le prêtre dit dans la messe : « Le Seigneur soit avec vous ! » Cependant, le titre - c’est exactement le mot : « le titre », qu’utilise Gabriel est unique. Marie est « Comblée de grâce ». En fait, on devrait traduire : « la Comblée de grâce ». Car, elle seule, est ainsi.

La « grâce » c’est l’amour dont Dieu aime, la grâce c’est l’amour dont nous sommes aimés. Mais, Marie, elle, est « comblée » de grâce. Dans le « Je vous salue Marie », on dit « pleine de grâce ». Le sens est le même, mais « comblée » est plus fort. Marie est totalement remplie de l’amour de Dieu et de l’amour pour Dieu.

Tout de suite l’ange annonce à Marie qu’elle va concevoir et enfanter un fils. Et il décrit qui sera cet enfant. « Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut. » Mais si Marie est « accordée en mariage » avec Joseph, ils ne vivent pas encore ensemble et donc, très naturellement, Marie pose la question : « Comment cela va-t-il se faire puisque je ne connais pas d’homme ? » C’est alors que Gabriel lui révèle que c’est l’Esprit Saint qui suscitera en elle la conception de l’enfant. Et le texte se termine par la phrase de Marie : « Voici la servante du Seigneur. Que tout m’advienne selon ta parole ».

C’est cette phrase que je vous invite à méditer.

On a fait de la réponse de Marie un « fiat » de soumission. Comme si Marie acceptait un malheur ou, du moins, un destin tragique. Mais, rien dans les paroles de l’ange n’annonce la croix du Golgotha. Tout dans ce qu’il dit annonce la gloire : « Il règnera pour toujours sur la maison de Jacob et son règne n’aura pas de fin ». Certes, Marie apprendra qu’elle souffrira, mais ce sera au Temple de Jérusalem, lors de la Présentation, lorsque le vieillard Siméon lui dira : « Un glaive te transpercera le coeur ». A l’Annonciation Marie est sollicitée de manière pleinement positive, de manière totalement heureuse. Dans le rosaire, l’annonciation est le premier mystère joyeux.

Les trois lundis de l’Avent qui ont précédé les vacances je suis allé à l’école Notre-Dame pour préparer les enfants à célébrer Noël. Et, les trois fois, nous avons chanté le refrain : « Voudrais-tu, Marie, voudrais-tu porter l’enfant attendu depuis longtemps ? Le veux-tu, Marie ? »

Oui, Marie a été sollicitée ! Comment aurait-elle pu mettre au monde un tel enfant et de cette manière sans qu’elle ait donné son adhésion ? Et, en même temps, comment aurait-elle refusé ?

Marie a été surprise par l’imprévisible. C’est le début du texte : « A la parole de l’ange, elle fut toute bouleversée et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation ». Mais, cet imprévisible était parfaitement préparé. Marie est « comblée de grâce ». Au cours des siècles, on dira qu’elle est « immaculée » dans sa conception, qu’elle a été conçue sans péché. Dans l’oraison de la fête de l’Immaculée Conception, on précise : « Tu as préservé la vierge Marie de tout péché par une grâce venant déjà de la mort de ton Fils ».

C’est ainsi que Marie dit pleinement « oui ». Un « oui » d’adhésion plénière. Son « oui » est aussi plein qu’elle est pleine de grâces. Il est sans restriction aucune, comme elle-même est sans péché. Et c’est un « oui » joyeux. Nécessairement on pense à l’élan de la jeune fille vers celui qu’elle aime de tout son cœur ! C’est ainsi que l’on a interprété le « Cantique des cantiques », le grand chant d’amour de l’Ancien Testament.

Cependant, les esprits ronchons vont dire : « Mais si Marie ne pouvait pas ne pas dire ‘oui’ en étant l’immaculée conception elle n’était pas libre ! » Il faut, donc, mettre les choses au point.

Il y a le libre-arbitre et la liberté. On ne doit pas les confondre. Dans notre société, on ne sait pas faire la distinction, mais pour nous chrétiens elle est capitale.

Le libre arbitre, c’est la possibilité de choisir le bien ou le mal. C’est ce que la République française appelle, entre autres, la liberté d’expression. On peut publier des caricatures insultantes pour les musulmans et pour tout croyant. On est libre ! Mais, pour nous chrétiens, la liberté ne peut pas consister à choisir le mal. Car, tout simplement, le mal nous emprisonne, nous met littéralement en prison, nous prive de liberté. Le mal aliène l’homme, pour parler à la manière de la philosophie. Celui qui fait le mal entre dans un processus qui l’abîme et le détruit. Et donc dans un processus qui détruit sa liberté. Seul le choix du bien fait vivre et grandir. Seul le choix du bien libère.

Mais, il y a autre chose qui nous met en contradiction avec les idéologies de notre temps. Aujourd’hui, on proclame la liberté comme un droit, et c’est bien, mais on dit en même temps que l’homme est libre. Sans doute est-il libre comme sujet de droits. Mais, est-il libre au sens où il est sans préjugés, sans conditionnements, sans penchants mauvais ? Qu’il dispose de lui-même sans contraintes intérieures ?

En fait, l’homme peut, certes, choisir le bien, mais il est fortement enclin au mal et d’abord à l’égoïsme. On pense d’abord à soi ! Et donc la liberté de l’homme est blessée et doit être soignée. On peut dire que le premier acte du salut que le Christ réalise est de guérir notre liberté blessée. Guéri par le Christ, par l’action de son Esprit qui sanctifie, je vais pouvoir réaliser ce que je suis : vivre en enfant de Dieu. En enfant de Dieu, et non en esclave du mal !

Marie a pleinement vécu cela. Elle, dont la conception est immaculée, a donné son oui avec une liberté parfaite et une joie parfaite !

Frères et sœurs, de manière différente de Marie, mais très réellement, nous sommes sollicités pour « porter » Jésus. Faisons le choix de la liberté véritable, détachons-nous des liens du péché et disons joyeusement « oui » au Seigneur. Puisque nous allons célébrer la naissance du Fils de Dieu, vivons en enfants de Dieu ! Amen.