Homélie du Père Doumas

7 février 2021

Jésus, accompagné de quelques disciples, va chez Pierre et André. Il entre dans la maison et on lui dit que la belle-mère de Pierre est malade. Elle est au lit, elle a de la fièvre. Alors, Jésus s’approche de la malade, la prend par la main et la fait se lever. Elle est guérie ! Nécessairement on est impressionné par la puissance de guérison qui anime Jésus. Mais, certains voient dans cet événement la preuve que saint Pierre est un grand saint : il a demandé la guérison de sa belle-mère !

Cette petite, et aimable, plaisanterie, nous invite à lire la suite du texte, qui dit des choses très sérieuses.

Vient le soir : « après le coucher du soleil », dit l’évangile, où Jésus guérit de nombreux malades. On se presse à la porte. Puis, on passe au lendemain. La nuit venue, tout le monde était allé se coucher. Mais Jésus se lève très tôt : « bien avant l’aube ». Il sort de la maison, il s’éloigne de la ville et va dans « un endroit désert ». Et là il prie.

L’évangile ne nous dit rien du contenu de cette prière. Ni de l’attitude de Jésus : debout, assis, agenouillé, prosterné ? On ne sait pas. Parle-t-il à haute voix ? Ou à voix basse ? Ou bien est-ce une prière du cœur ? En fait, tout cela n’a pas d’importance. Ce qui est important, c’est le fait que Jésus prie et qu’il prie longuement. C’est pourquoi il est venu au désert bien avant l’aube.

Au cœur de l’évangile, il y a l’intimité de Jésus avec son Père. C’est vraiment central, le coeur du cœur. Le Fils de Dieu fait homme ne cesse pas d’être le Fils et l’intimité du Père et le Fils est le centre de la vie de Jésus, l’enfant de Nazareth.

Jésus a toujours vécu cette relation. Elle s’est éveillée avec sa conscience d’homme. De la même manière qu’en grandissant le monde se révélait à lui, son monde intérieur était habité par cette relation avec son Père. A l’âge de douze, dans le Temple de Jérusalem, il dira à Marie : « C’est chez mon Père que je dois être. » Cela nous l’avons dans l’évangile de Luc, mais Jean nous dit que le Père demeure dans le Fils et le Fils dans le Père.

Je vous invite à vous rappeler comment enfant vous avez commencé à vivre la relation avec Dieu. La relation à Dieu d’un enfant, ce peut être très fort ! J’ai un très grand souvenir de ma Première Communion. J’avais sept ans et ce fut un moment de lumière et de grâce, qui m’a marqué à vie. J’en ai, alors, parlé à ma mère et elle en avait été impressionnée. Je suis sûr que, lorsque, bien plus tard, je lui ai dit l’appel du Seigneur pour que je sois prêtre cela lui est revenu en mémoire.

Jésus a vécu l’intimité avec le Père d’une manière que nous ne pouvons pas imaginer. Cela dépasse entièrement, non seulement notre intelligence, mais aussi notre sens intérieur, avec lequel nous appréhendons Dieu. Un saint François d’Assise ou une Thérèse d’Avila, si fortes qu’aient été leurs expériences mystiques, n’ont pu pénétrer au cœur de cette intimité du Père et du Fils. Et pourtant ! C’est notre vocation.

Oui, frères et sœurs, nous sommes appelés à vivre l’intimité trinitaire, l’union du Père, du Fils et de l’Esprit. Les paradis qu’imaginent les religions, si poétiques et merveilleux soient-ils, sont dérisoires et mesquins. Le « ciel », comme on dit, n’est pas un super Club Med ! Il est participation à la vie divine en son intimité. Et c’est pourquoi, aussi, il est au-delà de tout mérite. On ne va pas au ciel par récompense ! On entre dans la vie divine par grâce.

Telle ou telle religion, le christianisme lui-même quand il se dégrade en religion de la loi, peut mettre en avant les obligations révélées par Dieu, et nous le savons bien, elles peuvent se réduire à l’alimentaire et au vestimentaire. On mangeait du poisson le vendredi et on faisait « ses » Pâques ! Mais, « religion » signifie « relation », relation de Dieu avec l’homme. Et quand il s’agit de la relation de Dieu avec l’homme, c’est toujours Dieu qui a l’initiative et c’est toujours Dieu qui est le but.

Et le christianisme - j’entends « la foi chrétienne » ! - met cela au centre : si Dieu s’est fait homme, c’est pour que l’homme devienne Dieu. L’incarnation n’est pas une astuce, un « truc » pour que Dieu puisse parler à l’homme des paroles d’hommes. Cela va bien plus loin. En assumant pleinement l’humanité, le Fils de Dieu nous porte au Père et nous introduit dans la vie divine. Cela commence avec le germe du baptême et cela est nourri par l’Eucharistie.

Nous ne sommes pas ici pour accomplir nos devoirs religieux, pour satisfaire aux obligations de la religion, nous sommes ici pour que le germe divin reçu au baptême soit nourri et se fortifie en vie éternelle. Quand, au moment de la communion, vous ouvrirez les mains et que vous répondrez « Amen », vivez intensément cet acte de foi qui est, plus encore, acte d’amour : acte d’amour de Dieu pour l’homme et de l’homme pour Dieu !