Homélie du Père Doumas

14 novembre 2021

Homélie du samedi 13 novembre 2021.

Trente-troisième dimanche B.

 

Chez les trois synoptiques le ministère de Jésus s’achève sur ce qu’on appelle le « discours apocalyptique ». Ce n’est certainement pas une donnée historique. Et, en fait, il est vain de dire que telle ou telle parole de Jésus a été sa dernière parole. En tout cas, chez Jean, un tel « discours » n’existe pas. Et, dans ce domaine, la fiabilité de Jean est aussi grande que celle de Marc, Matthieu ou Luc.

A une étape antérieure à la rédaction de nos évangiles, la tradition a inscrit ce morceau d’apocalypse, emprunté aux apocalyptiques juives contemporaines, qui ont été, alors, plus ou moins christianisées. On en a un témoignage dans la Première lettre aux Thessaloniciens, le texte le plus ancien du Nouveau Testament, daté de l’année 50. Paul utilise ce langage pour parler de la « venue » du Seigneur.

Ce langage des apocalypses n’est plus du tout le nôtre. Et, de fait, l’Apocalypse de saint Jean, le dernier texte du Nouveau Testament, est de nos jours le plus difficile à lire. Quand, par exemple, il est dit que « les étoiles tomberont du ciel » cela n’a guère de sens. Ou plutôt ce ne peut être qu’un sens métaphorique. En aucune manière, une réalité physique.

Si l’on veut que cela ait sens pour nous, il ne faut pas s’attacher aux détails : pas plus à l’idée que « le Fils de l’homme viendra dans les nuées avec grande puissance et avec gloire » qu’à celle des étoiles qui tombent sur la terre ! Il faut entrer dans le sens profond, qui est à la fois simple et compréhensible et capital pour notre foi.

Toute la prédication de Jésus vise l’avenir. Il proclame la venue du Royaume de Dieu. Certes, il dit aussi que ce Royaume est déjà là, mais il est « inchoatif », c’est-à-dire dans ses tout premiers commencements. Avant de devenir un arbre, la graine de sénevé est la plus petite de toutes les graines. Elle est à peine visible.

La mort de Jésus débouche sur la résurrection et son exaltation dans la « gloire ». Et il est proclamé que le Seigneur va venir. On préfère dire qu’il vient, plutôt que dire qu’il re-vient ! C’est ce qui est proclamé, et chanté ! dans l’« anamnèse » : « Nous proclamons ta mort, Seigneur Jésus, nous célébrons ta résurrection. Nous attendons ta venue dans la gloire. »

Les toutes premières générations chrétiennes étaient dans une attente tendue de cette venue et elles ont pensé que cela était imminent. Au fil du temps, nous avons compris que cette « venue » est toute aussi différente d’un simple retour que la résurrection n’est un simple retour à la vie. Et quand nous prions : « Que ton règne vienne » nous n’inscrivons pas cela dans un temps compté, dans une chronologie. Mais, nous redisons à Dieu son propre projet : la disparition de tout mal et le triomphe du bien.

Cette attente « eschatologique », c’est-à-dire cette attente de la fin, identifie en profondeur les chrétiens. Nous ne sommes pas les hommes du passé, mais de l’avenir et notre aujourd’hui n’est pas un simple point dans le temps, il est habité, tendu vers l’avenir. Le chrétien vit l’espérance. Il est animé d’une critique radicale du « monde », marqué par le mal et la mort, défiguré par le péché, et il proclame la force de salut de Dieu.

C’est pourquoi d’une manière très légitime nous pouvons faire une critique radicale de ce monde, tout en étant attentif au positif qu’il véhicule, ce qu’on appelle « les signes des temps » : le bien présent au coeur du mal, comme attestation de l’avenir de Dieu. Et, surtout, nous avons à proclamer que Dieu est sauveur, qu’il est libérateur.

Le Notre Père, qui est une prière eschatologique commence par la demande : « Que ton règne vienne » et s’achève par le cri : « Délivre-nous du mal ». Cette « tension » traverse toute notre foi et révèle notre identité. Nous prions un Dieu qui libère, un Dieu qui sauve.