« Les païens reçoivent les Ecritures »

5 janvier 2019

Les mages sont des savants. Ils observent le ciel avec beaucoup de soin. Bien sûr, il faudra attendre Galilée, au XVIIe siècle, pour qu’avec l’invention de la lunette on ait une véritable science astronomique, mais les observations de l’Antiquité, à l’œil nu, n’étaient pas sans valeur. Même s’il faisait le mauvais choix avec le géocentrisme : la terre au centre du monde, Ptolémée avait accumulé beaucoup de connaissances justes.

En fait, l’observation du ciel n’avait pas pour but la seule connaissance du mouvement des astres. On pensait y lire la volonté divine. C’est ce qu’ont fait les «  mages  » de l’évangile. Ils ont vu apparaitre un «  astre  » - peut-être ce que nous, modernes, nous appelons une «  supernova  » - et ils l’ont interprété comme annonce de la naissance d’un nouveau roi en Israël. D’où leur démarche.

Tout naturellement, ils viennent à Jérusalem, la capitale du pays : c’est dans les capitales que naissent les rois  ! Et ils demandent : «  Où est le roi des Juifs qui vient de naître  ?  » C’est la stupeur et même la panique. Hérode demande qu’on consulte les Ecritures et tout de suite la réponse vient : «  C’est à Bethléem  ». Les mages quittent donc Jérusalem et prennent la direction de Bethléem. C’est à ce moment que l’astre leur apparaît de nouveau et les guide.

C’est ici qu’il faut s’étonner. Pour peu que l’on réfléchisse, on se dit : cet «  astre  », ou disons plutôt cette étoile, est paresseuse ou bien idiote  ! Pourquoi n’a-t-elle pas guidé directement les mages à Bethléem  ? Pourquoi attendre que les mages sachent le lieu où ils doivent aller pour les guider  ? Elle les guide au moment où ils n’en ont plus besoin  ! Et si les mages n’étaient pas allés à Jérusalem Hérode n’aurait pas été mis au courant de la naissance d’un nouveau roi et les enfants de Bethléem n’auraient pas été massacrés.

J’insiste : il est vraiment étrange que l’étoile guide les mages une fois qu’ils savent où ils doivent aller. Nécessairement, dans un tel récit, un tel détail fait sens. Mais lequel  ?

Pour comprendre il ne faut pas se placer du point de vue de l’événement, mais du point de vue du récit. Il faut comprendre ce qu’un évangéliste comme Matthieu a en tête lorsque dans les années 80 après Jésus il bâtit ce récit.

Matthieu est un judéo-chrétien, un Juif devenu chrétien. Et dans son évangile il insiste sur l’appartenance de Jésus au peuple juif. Si dans son évangile, à la différence de celui de Luc, il y a une annonce à Joseph, et non pas une annonce à Marie, c’est pour que Joseph prenne chez lui Marie son épouse et qu’il inscrive Jésus dans la lignée davidique en lui donnant son nom : Jésus. Si c’est par Marie que Jésus devient un homme, c’est par Joseph qu’il devient fils de David. Et, bien sûr, c’est capital. S’il n’était pas le fils de David, Jésus ne serait pas le Messie.

Mais ce judéo-chrétien qu’est Matthieu fait, à la fin du premier siècle, le constat que son Peuple n’a pas reconnu en Jésus le Messie annoncé et qu’au contraire les païens sont entrés en masse dans l’Eglise. Il pourrait, en tant que Juif, voir cela d’un mauvais œil, mais c’est tout le contraire. Comme Paul, il y voit la réalisation du plan de Dieu, qui veut que toutes les nations aient part au salut. Et c’est pourquoi il a ce récit des mages. Car, si les mages sont des savants, ils sont, plus essentiellement encore, des païens. Matthieu montre, par ce récit des mages païens, que, dès le départ, les païens ont su reconnaître en Jésus le roi d’Israël, méconnu et même persécuté par les Juifs.

De la même manière que Luc, avec la visite des bergers, montre que ce sont les pauvres qui sont venus auprès de l’enfant Jésus, de la même manière Matthieu montre, avec la visite des mages, que ce sont les païens qui ont adoré le fils de David en lui offrant l’or, l’encens et la myrrhe.

Ce récit est donc un grand bravo adressé aux païens par l’évangéliste d’origine juive qu’est Matthieu. Mais Matthieu tient à rappeler aux païens quelque chose d’essentiel, qu’ils ne sauraient méconnaître. Certes, les païens sont capables d’observer les astres et de les interpréter, mais ils ont à recevoir des Juifs les Ecritures. Cela est incontournable. Et c’est pour cela que l’étoile ne conduit les mages auprès de Jésus qu’après leur passage à Jérusalem. Il fallait qu’ils aillent, d’abord, à Jérusalem pour qu’on leur ouvre les Ecritures. Ils ont à recevoir des Juifs les Ecritures.

Il y a là pour nous une leçon fondamentale. Vingt siècles plus tard, nous sommes capables de lire les signes que Dieu met dans nos vies et c’est pour cela que nous sommes croyants, mais notre foi serait vaine si nous ne lisions pas les Ecritures. Nous, Français de France, nous sommes de vieux gaulois, nous sommes des païens  ! Et donc, comme les mages, nous avons à recevoir les Ecritures  !

Frères et sœurs, il nous faut prendre quotidiennement le temps de lire les Ecritures  ! Nous avons la Bible dans nos bibliothèques : parce qu’elle est un gros livre elle sert à caler les autres, mais nous ne l’ouvrons que très peu  ! Dès lors utilisons Prions en Eglise ou Magnificat. Chaque jour l’Eglise nous propose les textes de la messe. Lisons-les  ! Et de manière active.

Je vous propose d’avoir avec vous un surligneur et un post-it. Vous lisez les textes et vous surligner ce qui vous frappe et puis vous écrivez sur le post-it ce qui vous a le plus frappé. Alors, deux solutions possibles : ou bien vous garder le post-il dans votre poche et, dans la journée, vous y mettrez nécessairement la main dessus ou bien vous coller le post-it sur votre réfrigérateur. Il suffira que vous ayez faim pour vous nourrir de la Parole de Dieu  !

Dernier conseil : commencez par lire l’évangile, puis passez à la lecture et lisez, en dernier, le psaume. Ainsi votre lecture deviendra une prière. Vous prolongerez par l’oraison.

Frères et sœurs, en ce début d’année, je vous invite à vous mettre sous cette bonne étoile-là : la lecture des Ecritures  ! Amen.