Homélie

20 juin 2020

Pour composer son texte, le texte que nous venons de lire, Matthieu a utilisé ce qu’on appelle le « Recueil de paroles », qu’il a en commun avec Luc. Ce « Recueil de paroles » est une succession, sans ordre particulier, de paroles de Jésus, que l’on a conservées, mais sans leur contexte. On pourrait, donc, les commenter une à une en les isolant les unes des autres, mais je voudrais développer l’interpellation de Jésus qui ouvre ce texte : « Ne craignez pas les hommes ! »

On se souvient du cri de Jean-Paul II le jour de son installation comme pape : « N’ayez pas peur ! » C’était très fort et cela a eu des suites. En vérité, lorsque la peur est chassée, beaucoup de choses deviennent possibles.

La peur survient lorsque nous nous sentons menacés dans notre existence ou notre identité, dans notre santé ou notre sécurité, pour notre famille ou nos biens. Nous pouvons éprouver aussi une menace pour notre pays ou notre Eglise. Plus largement encore, nous pouvons douter de l’avenir, perçu comme menaçant ou incertain. Beaucoup aujourd’hui craignent pour l’avenir de leur entreprise ou de leur emploi. Et, bien sûr, il y a l’avenir de la planète, menacée par nos excès.

Les motifs de peur sont nombreux et multiformes, particuliers ou très globaux. Ils sont sources de crainte ou d’angoisse. Il y a des intensités très variables. Mais si les motifs sont nombreux, aussi nombreux que les menaces, il y a une seule source de la peur : le cœur de l’homme et Jésus nous invite à vaincre cette réalité intérieure qu’est la peur.

Il est juste et bon d’être conscient des menaces. Cela permet les mesures préventives. Sans le confinement, des dizaines, voire des centaines de milliers de vies, auraient été fauchées, comme c’était le cas dans le passé. On pense, nous Courthézonnais, à la peste de Marseille en 1720, qui n’a pas fait de victime dans notre village mais qui a provoqué des dizaines de milliers de morts en Provence. Cependant, la conscience lucide de la menace n’est pas la peur.

Il y a dans la peur une part d’irrationalité, de connaissance faussée de la réalité. Alors la subjectivité l’emporte sur l’objectivité et le comportement n’est pas adapté à la situation. Loin de produire la bonne réponse, la peur engendre la panique, et donc des propos et des actes inadaptés. Cela peut se vérifier, par exemple, au moment d’un incendie.

Il y a, aussi, ceux qui exploitent la peur. C’est vrai dans tous les domaines. On peut insécuriser les gens à propos de leur patrimoine et les assurances vont flamber ! Ou peut insécuriser les gens à propos de leur sécurité et cela va produire des réactions violentes ou d’enfermement. Tout cela en vue d’intérêts très particuliers. On insécurise les gens pour des motifs politiques : certains partis le font sans vergogne ! Mais, on a beaucoup pratiqué, aussi, l’insécurité dans le domaine religieux. Il y a eu toute une religion de la peur de l’enfer.

Jésus veut nous libérer de la peur. Il nous dit : « Ne craignez pas ! » Ce qu’a redit Jean-Paul II : « N’ayez pas peur ! » Pour autant, l’évangile est rempli de messages d’alertes. Sans cesse il nous est dit de nous tenir sur nos gardes. Le danger est une réalité, qui doit être perçu avec un maximum de lucidité.

A vrai dire, l’évangile insiste sur les dangers intérieurs, sur ce qui est caché et insidieux dans nos cœurs et nous pousse à la chute. Lorsque Caïn éprouve le désir de tuer son frère, Dieu s’approche de lui et lui dit : « Fais attention à toi ! Le mauvais désir est tapi dans ton cœur. Il est comme une bête sauvage qui veut te dévorer ! »

Si nous devons être lucides sur les menaces extérieures, en récusant la peur, a fortiori nous devons être lucides sur ce qui nous menace intérieurement et chasser la peur pour vaincre le mal. Avoir peur du mal, c’est déjà être vaincu par lui. Car, à l’inverse, le chrétien a reçu l’assurance d’être vainqueur. Dieu est de son côté ! L’Esprit Saint, qui est plus fort que le mal est donné au chrétien et la certitude de la victoire chasse la peur et rend possible la victoire. La peur inhibe ou crée la panique, qui va dans tous les sens, l’assurance donnée dans l’Esprit Saint crée la lucidité, le courage et la détermination.

Frères et sœurs, soyons lucides et courageux, chassons la peur de nos cœurs, vivons dans l’assurance de l’Esprit Saint, qui donne la victoire !