Que sont les biens spirituels ?

24 octobre 2020

Jésus est interrogé par les pharisiens sur le « plus grand commandement ». On peut comprendre parce que si, au Sinaï, Moïse a transmis dix commandements dans le judaïsme contemporain de Jésus il y en a 613. Et donc, on éprouve, assez naturellement, le besoin de distinguer entre ce qui est très important et ce qui l’est moins. Mais, et c’est très caractéristique de Jésus, il ne donne pas une réponse, mais deux. En fait, les deux commandements de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain sont jumeaux, ils sont indissociables, l’un ne va pas sans l’autre. On ne peut pas prétendre aimer Dieu si l’on n’aime pas son prochain et l’amour du prochain n’est véritablement amour que relié à l’amour de Dieu.

Dans le contexte de cette double réponse de Jésus je ne vais pas développer directement cela, mais je voudrais vous parler des « bien spirituels ». La question se présente ainsi : Dieu conduit-il aux biens spirituels ou, à l’inverse, les biens spirituels conduisent-ils à Dieu ?

Théologiquement ou, plus simplement en bonne logique, il semble que Dieu conduit aux biens spirituels. C’est parce que nous faisons l’expérience de Dieu que nous recevons des biens spirituels - ce que nous appelons des « grâces ». Mais, si cela est vrai, cela veut dire que je dois d’abord connaître Dieu et que c’est ensuite - ensuite seulement - que je ferai l’expérience des biens spirituels. On peut renforcer l’argument par l’argument de la source. On dira : Dieu est la source de tout bien, et donc des biens spirituels. Et pour connaître les biens spirituels, il faut, donc, partir de Dieu, de la source. Certes ! Mais, dans le contexte de l’évangélisation, qui doit être notre pain quotidien, je suis fortement tenté par l’affirmation inverse.

Il me semble qu’avant de parler de Dieu il faut donner à comprendre, à nos contemporains, qu’il existe des biens spirituels et quels sont ces biens spirituels, quelle est leur nature. Cette nécessité procède de la domination, écrasante aujourd’hui, des biens matériels. La consommation des biens matériels est devenue si forte que nos contemporains n’ont même plus l’idée d’autres biens : des biens spirituels.

Quand je parle de biens matériels, je ne parle pas seulement des biens physiques, du manger et du boire, du sexe ou du confort matériel. Je ne dénonce pas seulement un consumérisme vulgaire. Je parle aussi de ces conforts de l’âme que toute une psychologie prétend transmettre. Car, on veut soigner l’âme tout autant que le corps ! Il est très caractéristique qu’aujourd’hui après une catastrophe on envoie des psychologues auprès des victimes et notre société a ses guérisseurs du deuil. On apprend à faire son deuil d’un décès, d’une rupture, et, plus généralement d’une perte, quelle qu’en soit la nature.

Certes, ce n’est pas en soi, une mauvaise chose. Je n’ai rien contre la psychologie. Mais voici mon objection. A être dans cette seule logique, on s’enferme dans l’idée que l’homme n’a pas d’autre interlocuteur que l’homme, qu’un bien ne peut être qu’un produit de l’homme, ou de la nature, mais de la nature transformée par l’homme. Et c’est ainsi que l’on exclut jusqu’à l’idée même de biens spirituels, c’est-à-dire de biens que seul Dieu donne et peut donner.

Or, - c’est notre expérience de croyant : les biens spirituels ne sont pas des biens dérivés. Si vous préférez : des biens dont l’homme serait l’origine et qu’il se contenterait de sublimer. Les biens spirituels sont des biens qui viennent de Dieu et de lui seul. Cette paix qui est dans mon cœur n’est-elle que l’effet d’un travail de moi sur moi, n’est-elle que le produit d’un conditionnement favorable ? Ou bien est-elle un don de Dieu, un fruit de l’Esprit ?

Je suis de plus en plus convaincu que c’est en attestant la cohérence et la spécificité des dons spirituels que nous pouvons initier un parcours de foi. C’est parce que je dis à celui s’interroge ou qui doute : j’expérimente que cette paix, cette joie, cette générosité - cet amour ! qui habitent mon cœur viennent de Dieu, c’est parce que j’identifie cette paix, cette joie, cet amour comme « biens spirituels », que je vais lui permettre d’écouter son propre cœur. Toi aussi fais de même !

Bien sûr, toute une argumentation est possible pour dire Dieu. En particulier l’argument de raison, qui pose que le monde que nous connaissons - que la science découvre tous les jours un peu plus – est un « cosmos », un monde ordonné et donc voulu par une Intelligence, que tous nomment « Dieu ». Bien sûr ! Et ne nous en privons pas. Mais, aujourd’hui, dans la société qui est la nôtre, il ne suffit pas de rendre Dieu vraisemblable pour qu’il y ait acte de foi. Il est nécessaire que l’auditeur de la Parole entende son cœur lui dire : ce que j’éprouve en moi-même ne vient pas de moi-même, ce que j’éprouve est de nature « spirituelle », cela vient de Dieu. En fait, c’est seulement parce que nous aurons ébranlé les certitudes liées aux biens matériels par l’idée qu’il y a des biens spirituels que nous pourrons commencer à parler de Dieu.

J’aimerais avoir le temps d’approfondir avec vous ce que sont les biens spirituels. J’aimerais montrer que la paix de Dieu n’est pas un simple repos de l’âme, que la joie de Dieu n’est pas seulement une émotion du cœur, que l’amour est autre chose que le désir et la générosité, mais qu’il est connaissance de Dieu. Du moins je vous invite à poursuivre la réflexion, à vous emparer de cette expression « les biens spirituels » et à vous en servir dans l’annonce de l’évangile que tous nous avons à faire.