Homélie de la messe d’intention de Pascal

15 septembre 2018

Homélie pour Pascal

La mort de Pascal m’a habité. J’ai beaucoup prié et réfléchi. J’ai médité. Et aujourd’hui une certitude m’habite. Il serait à la fois faux et injuste de lire la mort de Pascal seulement comme un geste de désespoir. Bien sûr, il vivait quelque chose de très difficile et qui reste, pour nous mystérieux. Il s’est senti dans une impasse. La route - son chemin de vie - était bouchée, fermée. Il a buté sur un mur et aucune porte ne s’ouvrait. Tous nous avons fait cette expérience, mais, lui, il l’a faite avec une intensité exceptionnelle. On peut dire qu’il est allé au bout du bout  ; il a atteint le fond du fond.

Manifestement sa mort, par la manière dont il a mis fin à sa vie, sa mort a été une protestation d’innocence. De quelle innocence, je ne saurais le dire. Mais la mort de Pascal est la mort d’un innocent. Pour moi, cela est incontestable.

Mais il faut aller plus loin et dire : il y a eu dans ce désespoir de la vie, en deça de ce désespoir, il y a eu l’espérance. Si l’on ne dit pas cela : en-deça du désespoir, il y a eu l’espérance, on ne comprend pas Pascal. On le trahit.

Ce garçon qui aimait tant la vie et qui parce qu’il aimait la vie a donné sa vie en devenant moine, a fait l’expérience qu’il ne pouvait plus vivre. Mais il n’a pas purement et simplement mis fin à ses jours. En se donnant la mort, il s’est jeté dans les bras de Dieu. Oui, Pascal s’est jeté - à corps perdu - dans les bras de Dieu  ! Il avait cette espérance, cette espérance certaine que par delà la mort le Seigneur le prend dans ses bras, le ramène à la vie et le console de toute sa souffrance.

Je vous propose de lire la mort de Pascal à la lumière de la mort de Jésus.

Pour bien comprendre la mort de Jésus, il faut savoir comment meurt un crucifié. Des études très démonstratives ont été faites à ce sujet. Les bras du crucifié tirent sur les muscles de la poitrine, qui permettent de respirer, et, peu à peu, les muscles de la poitrine se paralysent. Lorsque la paralysie est totale, c’est l’asphyxie et donc la mort. Un crucifié meurt doucement, dans un dernier souffle, très léger. En fait, le seul moyen qu’a le crucifié de soulager les bras et de retarder la mort est d’appuyer sur ses pieds. Mais, lorsque les pieds sont transpercés d’un clou, le soulagement est très limité et bientôt totalement inefficace. Ce processus de mort explique pourquoi les soldats brisent les jambes des deux larrons crucifiés avec Jésus. Les jambes brisées, la mort survient très vite. Il ne reste plus qu’à dépendre le corps. Mais, pour Jésus, il en est allé autrement. Il a senti la mort venir, il l’a sentie très proche. Ses forces s’épuisaient. Il était à la limite. Mais il n’a pas voulu d’une mort subie et venant dans un souffle. Il en a fait un acte personnel et plein de sens. Il pousse, donc, un grand cri, qu’il adresse à son Père - le témoignage des évangiles est parfaitement concordant sur ce point capital. Ayant épuisé d’un seul coup toutes ses réserves d’air, il en meurt. Il ne crie pas parce qu’il meurt, il meurt parce qu’il crie. Cette mort, provoquée délibérément et avec la plus grande énergie, est un acte d’amour, porté par le grand cri - qui étonne les soldats.

Je ne sais pas si Pascal a crié. Mais je suis certain qu’il était dans ce moment-là entièrement tourné vers Dieu, qu’il s’est, littéralement, jeté dans les bras de Dieu. Désespéré, il s’est jeté dans les bras de Dieu  ! Car le Seigneur était son espérance. Toute sa vie était fondée sur cette espérance et loin de renier cette espérance il s’y est plongé. Frères et sœurs cette espérance, aujourd’hui, est la nôtre  !