Homélie du Père Doumas

30 août 2021

Homélie du dimanche 29 août 2021

 

Les pharisiens reprochent à Jésus que ses disciples ne se lavent pas les mains avant de manger : « Tes disciples prennent leurs repas avec des mains impures. Pourquoi ne suivent-ils pas la tradition des anciens ? » De fait, quand j’étais petit, ma maman suivait la tradition et m’obligeait à me laver les mains avant le repas. Et, comme tous les prêtres, au moment de l’offrande, je fais ce qu’on appelle le « lavabo ». Je me rince les doigts avec de l’eau. Cependant, depuis le covid, je le fais avec le gel hydroalcoolique !

Se laver les mains fait partie des « ablutions ». Cela existe dans le judaïsme et dans l’islam. Avant la prière, on se lave les mains, mais aussi les pieds et le visage. Il importe de prier en état de pureté. Il s’agit de pureté rituelle.

Jésus s’est complétement démarqué de cette pureté rituelle. Il en a dénoncé l’hypocrisie. Il réplique aux pharisiens en citant le prophète Isaïe : « Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. Les doctrines qu’ils enseignent ne sont que des préceptes humains ». Et il commente : « Vous laissez le commandement de Dieu pour vous attacher à la tradition des hommes. »

Je reviendrai sur « la tradition des hommes », opposée au commandement de Dieu. Mais, il convient, d’abord, de parler de la pureté rituelle.

La pureté rituelle a pour but de mettre de la différence entre le pur et l’impur. Elle sépare les uns des autres. Elle vise à isoler du profane pour constituer une sphère du sacré. C’est ainsi que ce sont constituées des castes religieuses. Si le prêtre et le lévite ne s’occupe pas du blessé, c’est qu’à la différence du samaritain, ils doivent rester purs pour la liturgie du Temple en ne touchant pas le sang.

La pureté rituelle est liée aux interdits alimentaires. La nourriture kascher ou la viande hallal mettent à part et séparent. Jésus a écarté de tels comportements. D’abord par respect pour le Créateur : il n’y a pas dans la création des êtres purs et des êtres impurs et toute nourriture est bonne. Mais surtout parce qu’il veut écarter de la religion ce qui n’est qu’extérieur, l’alimentaire ou le vestimentaire. Pour Jésus, la religion relève du cœur, de l’intériorité de l’homme. C’est ainsi qu’il déclare : « Rien de ce qui est extérieur à l’homme et qui entre en lui ne peut le rendre impur. Mais c’est ce qui sort de l’homme - ce qui vient de l’intérieur - qui rend l’homme impur. »

Mais, frères et sœurs, même si nous avons été libérés des prescriptions alimentaires de la Loi, nous sommes toujours sous la menace de l’hypocrisie. C’est très bien de venir à la messe le dimanche, mais si dans la semaine on est sans bienveillance, quel est le sens de notre dévotion ? Nous ne sommes, alors, que des hypocrites.

Je reviens maintenant sur la tradition des hommes. Jésus dénonce la pureté rituelle comme source de l’hypocrisie religieuse, mais il s’en prend aussi à la tradition des anciens, qu’il met en contradiction avec le commandement de Dieu.

Il faudrait resituer cela dans le contexte du judaïsme, mais je passe directement à nos réalités chrétiennes.

Dans nos vies chrétiennes, et d’abord dans la liturgie, il y a une part humaine considérable. On lit la Parole de Dieu, mais ce sont des hommes qui ont constitué les lectionnaires. Si on lit tel passage, c’est par décision humaine. Et si au cœur de la Prière eucharistique, il y a les paroles de Jésus à la Cène, les prières eucharistiques sont des créations humaines.

Il convient d’être conscient de cela. Prendre pour humain ce qui est divin, c’est de l’impiété, mais prendre pour divin ce qui est humain c’est de l’idolâtrie. C’est pourtant une pente ecclésiastique très forte. On a tant sacralisé : les objets, les prières et même les gestes ! Bien sûr, cela ne veut pas dire qu’on va rejeter tout ce qui a été construit depuis deux mille ans. Au contraire, on le conservera et on l’enrichira, mais on ne l’absolutisera pas.

Je prends un exemple : le signe de la croix. On a mis des siècles pour faire le signe de la croix sur le front, la poitrine et les épaules. Les premiers chrétiens, qui ont inventé le signe de la croix, le faisaient avec le pouce droit - comme nous le faisons à l’évangile. Et bien sûr, le signe de la croix est plein de sens. Il y a beaucoup de sens à plonger la main dans l’eau et à se signer en regardant l’autel au moment où l’on entre dans l’église. Je rappelle ainsi mon baptême qui m’entraîne à l’eucharistie. Mais cela peut devenir machinal, très superficiel, sans aucune vérité intérieure. Et le rite est alors un véritable danger. Vous me l’avez entendu dire : « Dans l’Eglise, il y a trop de religion et pas assez de spiritualité ».

Frères et sœurs, mettons en œuvre ce que l’Eglise nous donne, mais vivons selon la vérité intérieure, celle de l’Esprit de vérité, l’Esprit Saint, qui vivifie et témoigne en nous de l’amour de Jésus. Amen !