Homélie du Père Doumas

29 juin 2022

Homélie du dimanche 26 juin 2022 : 13e dimanche année C

Dans ce passage d’évangile, il convient de relever plusieurs indices, qui mis ensemble donnent beaucoup de sens.

Il faut d’abord relever qu’il n’est pas simplement dit que Jésus se dirige vers Jérusalem et que le moment de sa Passion approche. Luc s’exprime tout autrement. Il dit : « Comme s’accomplissait le temps où il allait être enlevé au ciel ». En réalité, il n’y a pas d’annonce de la Passion sans annonce de la résurrection. Et nous avons tous en tête la formule de saint Jean : « Au moment de passer à son Père ».

Il faut fortement souligner l’expression : « comme s’accomplissait le temps ». Ce n’est pas seulement du temps qui passe et le train finit par arriver ! C’est un « accomplissement ». Et là aussi on pense à l’évangile johannique. Sur la croix, Jésus dit : « tout est accompli » et il incline la tête et meurt. Ce vocabulaire de l’accomplissement signifie donc que la montée de Jésus vers Jérusalem réalise le projet de Dieu, que, littéralement, les Ecritures s’« accomplissent ».

Un autre indice est très fort. Luc parle du « visage déterminé » de Jésus. Lorsque Jésus monte à Jérusalem, il n’est pas dans le peut-être ben que oui, peut-être ben que non. Il n’a ni doute ni hésitation. Il est lucide et décidé. Il est « déterminé ». C’est une décision intérieure, mais elle est manifeste, elle se révèle sur son visage. Et cela, sans aucun doute, a impressionné les disciples et les foules.

Dans cette logique de la « détermination », Jésus prépare sa venue. Il envoie « en avant de lui » des messagers. Ils sont chargés d’annoncer son arrivée. Littéralement ils préparent le terrain. Il convient que Jésus soit bien accueilli. En tout cas, accueilli selon ce qu’il est.

C’est dans ce cadre-là, bien identifié, qu’a lieu l’incident que rapporte l’évangile.

Des messagers entrent dans un village de samaritains. On s’étonne de cet itinéraire que Matthieu et Marc ignorent entièrement. Dans leurs évangiles, Jésus longe le Jourdain et c’est ainsi qu’il va à Jéricho. Chez Jean, on sait que Jésus est passé en Samarie. L’épisode de la samaritaine est bien connu. Mais c’était dans l’autre sens. Jésus revenait alors de la Judée en Galilée, là il va de la Galilée en Judée.

Apprenant que Jésus va à Jérusalem, les samaritains d’un village, dont on ne nous dit pas le nom, refusent de le recevoir. On sait le profond antagonisme entre Juifs et samaritains et que les samaritains ont leur temple, rival direct de celui de Jérusalem.

Par ailleurs, ces samaritains n’expriment aucune opposition particulière à l’encontre de Jésus. Leur réaction est sans violence. Simplement ils ne sont pas prêts à accueillir Jésus, parce qu’il monte à Jérusalem. Cela est tout à fait en contraste avec la réaction des deux frères, Jacques et Jean. Eux ont une réaction violente. Ils veulent faire descendre le feu du ciel sur les samaritains. Il est bien précisé « pour qu’il les détruise ».

Cela choque Jésus. Il se retourne. En effet, ils marchaient derrière lui. Et il les réprimande. En français, le mot est anodin. Une réprimande, ça peut être gentillet. Mais, en langage biblique, c’est le ton des prophètes qui dénoncent les apostasies et les crimes. De plus, Jacques et Jean n’en sont pas à leur coup d’essai. Ils ont demandé à Jésus de les faire siéger l’un à sa droite et l’autre à sa gauche dans son royaume. Rien de moins. Et cela avait scandalisé les dix autres disciples. En fait le comportement des deux frères, c’est la logique du pouvoir et de la violence. Celle, aussi, de l’intolérance.

Le « feu du ciel », cela fait penser aux buchers de l’inquisition. On brulait au nom de Dieu. Dans l’histoire chrétienne, Jacques et Jean ont eu des émules. Et, certes, malgré Rouen, Jean d’Arc a été reconnue sainte. C’est Jésus qui s’est retourné contre les inquisiteurs. Il n’empêche ! Nous devons savoir que dans nos coeurs de chrétiens peuvent surgir la violence et l’intolérance. Faisons très attention lorsque nous parlons des autres au nom de la sainteté de notre religion. Nous pourrions être pires que ceux que nous dénonçons.

Je conclus en remarquant que le récit finit dans l’apaisement. Luc dit : « Ils partirent pour un autre village ». Là aussi imitons Jésus, sachons aller vers les autres « villages ». Pacifiquement et en annonçant non la condamnation qui tombe du ciel mais la bonne et heureuse nouvelle de l’évangile. Amen !