Homélie du 4e dimanche de l’Avent

23 décembre 2019

Avec un texte pareil, on ne peut pas se contenter d’une lecture littérale. Il est nécessaire de faire de l’exégèse.

Matthieu a commencé son évangile par la généalogie de Jésus ; c’est une généalogie descendante, qui part d’Abraham et va jusqu’à Joseph. Matthieu a élaboré avec soin cette généalogie et il précise lui-même qu’il y a trois fois quatorze générations : d’Abraham à David, de David à l’Exil et de l’Exil à Joseph. Trois fois quatorze, c’est six fois sept et donc, grâce à ce calcul, on sait qu’avec Jésus on va être au début du septième septénaire. Autrement dit, avec Jésus, on entre dans la plénitude des temps.

Apparemment, c’est parfait. Jésus va être fils d’Abraham et fils de David. Il sera ainsi le messie, le roi promis par Dieu à son peuple. Mais, il y a un problème. Un très gros problème ! Tout est très bien depuis Abraham : on passe par David et il y a six fois sept générations, mais quand on arrive à Joseph, ça rate : Joseph n’est pas le père de Jésus ! On a accroché tous les wagons, mais au moment où l’on va quitter la gare, on n’arroche pas les wagons à la locomotive.

Il va falloir une intervention divine, très particulière, pour que Joseph soit le père de Jésus et qu’ainsi Jésus soit le descendant de David, son héritier et donc le messie.

Matthieu raconte que Joseph, sachant que Marie est enceinte décide de la renvoyer, mais qu’il ne va pas le faire « publiquement » - ce qui aurait été infamant, mais « en secret », discrètement.

Joseph ne renvoie pas Marie parce qu’il a un doute sur Marie. Une telle hypothèse est absurde. En fait, - certes, cela n’est pas raconté, mais c’est indispensable à la cohérence du récit - en fait, quand Marie lui a dit qu’elle était enceinte de l’Esprit Saint, Joseph ne s’est pas jugé digne d’être son mari, de la garder pour épouse et de prendre en charge l’enfant qui va naître. Tout cela est contenu dans l’affirmation que Joseph est « un homme juste ».

Cependant il est indispensable que Joseph soit le père de Jésus pour que Jésus soit fils de David ! D’où l’intervention de l’Ange du Seigneur.

C’est une intervention d’autorité. L’Ange ne prend pas soin d’interroger Joseph sur ses motivations. Il lui dit ce qu’il doit faire et c’est très direct : « Ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse ». Joseph doit surmonter la crainte révérencieuse, qui lui interdisait de prendre chez lui une épouse enceinte de l’Esprit Saint et il aura à assumer pleinement le rôle du père : « elle, elle enfantera et, toi, tu lui donneras le nom de Jésus ».

Joseph ne répond rien ! Mais, dès son réveil, il obéit à l’Ange et prend chez lui Marie, son épouse. Ainsi, Jésus sera fils de David. Les wagons sont accrochés à la locomotive et le train de l’évangile peut quitter la gare !

Matthieu a raconté l’annonce à Joseph, Luc a raconté l’annonce à Marie. Les deux récits sont très différents. La plus grosse différence est que Marie donne sa réponse : « Je suis la servante du Seigneur » alors que Joseph ne dit rien de semblable. Mais, il agit : il prend Marie chez lui.

Il est très important de bien voir la cohérence de tout cela. Pour être un homme, il a fallu que le Fils de Dieu ait une mère. Vous ne pouvez pas être un homme, ou une femme, sans avoir une mère, sans la gestation des neuf mois et la naissance par accouchement. Si le Fils de Dieu a un Père sans mère pour être le Fils éternel du Père, il a eu besoin d’une mère, sans père, pour être le Fils de Dieu fait homme ! Mais, si Jésus est le Fils de Dieu fait homme, il est aussi le Messie, le Christ : Messie est le mot hébreu, Christ le mot grec, et donc il a fallu le rattacher généalogiquement à David. C’est ce que réalise Joseph en prenant chez lui Marie et en prenant ainsi en charge l’enfant qui va naître et auquel il donne son nom : Jésus, qui veut dire « Dieu sauve ».

Dans la suite de l’évangile de Matthieu, on voit Joseph tenir son rôle. Une nouvelle fois l’Ange s’adressera à lui et Joseph conduira en Egypte« l’enfant et sa mère » - c’est l’expression utilisée par l’évangéliste. Il s’agit d’échapper à la fureur d’Hérode. Et, une troisième fois, l’Ange lui donnera l’ordre de rentrer en Israël. C’est ainsi qu’il s’installera à Nazareth et que Jésus, né à Bethléem, sera « Jésus de Nazareth ».

Frères et sœurs, il est bon que nous lisions ces textes avec rigueur, selon la logique dans laquelle ils ont été rédigés, mais, par-delà cette lecture, nous sommes invités à adorer. En effet, le texte majeur de cet ensemble qu’on appelle « l’évangile de l’enfance de Matthieu » est l’Adoration des Mages. Préparons nos cœurs à adorer le Messie, le Fils que Dieu envoie dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour sauver le monde ! Amen.