Homélie du 8 mars

10 mars 2020

Homélie du dimanche 8 mars 2020

Ce récit qu’on appelle « la transfiguration » n’est peut-être pas si étonnant que cela. On imagine, en effet, facilement combien le visage de Jésus, dans sa prière, devait être resplendissant. Chacun de nous a eu l’occasion de rencontrer des religieux et, particulièrement, des religieuses, au visage rayonnant de lumière, attestant une joie intérieure intense. On le dit spontanément : « Elle est lumineuse ! »

Par ailleurs, Jésus passait beaucoup de temps, en, particulier la nuit, dans la présence de son Père. Le plus souvent il était seul. Mais, il lui est arrivé d’entraîner, ou d’essayer d’entraîner, ses disciples dans sa prière. On pense au jardin de Gethsémani. Cela se passait à l’écart et, très naturellement, dans la montagne. Et, donc, sans doute, un jour, Jésus a-t-il entraîné les disciples sur une montagne et ce jour-là son visage a été tellement rayonnant que les disciples en ont gardé un souvenir unique.

Mais, dans le récit évangélique, il n’y a pas seulement le visage rayonnant de Jésus. Il y a l’apparition de Moïse et d’Elie et la voix du Père qui proclame : « Celui-ci est mon Fils bien aimé, en qui je trouve ma joie. »

Moïse et Elie s’entretiennent avec Jésus. Rien n’est dit du contenu de cet entretien. Mais, à coup sûr, ils ne parlaient pas de la pluie et du beau temps ! Ils parlaient nécessairement de ce qui leur est commun. Moïse est mort sur le mont Nebo au seuil de la terre promise avant que le peuple ne passe le Jourdain, mais, dit la Bible, nul ne sait où se trouve son tombeau. Quant à Elie, un char de feu l’a emporté au ciel. Ils ont ainsi en commun une mort mystérieuse et c’est de la mort de Jésus qu’ils s’entretiennent.

La mort de Jésus est bien documentée. Il est mort crucifié, sur l’ordre du gouverneur Ponce Pilate, le jour de la Pâque juive, très probablement en 30. C’était un vendredi. Avant la crucifixion, il avait été flagellé et après sa mort il a été déposé dans un tombeau à proximité du Golgotha, le lieu des exécutions. Il y a eu des témoins de tout cela. En particulier des femmes. Il n’y a là rien de mystérieux, ni même d’étonnant. Les grands prêtres du Temple et les romains savaient liquider ceux qui les gênaient. Et Jésus était un gêneur !

Cependant, l’événement n’a pas été un simple fait divers, que nos médias ou les réseaux sociaux d’aujourd’hui auraient à peine mentionné. Dans cet événement, nous les chrétiens, nous disons que le monde a été sauvé. Cela dépasse singulièrement l’anecdote ! Mais, frères et sœurs, il convient de parler de cette mort de Jésus qui sauve le monde avec justesse.

Nous employons le mot « rédemption ». Dans le Minuit, chrétiens ! on parle du « Rédempteur ». Le mot n’appartient pas au langage commun, mais il signifie exactement « rachat ». Et ce mot-là, nous le comprenons très bien. On a vendu quelque chose et puis on le rachète.

En fait, dans la Bible, le « rachat » consistait à « racheter » un membre de la famille enlevé au cours d’une razzia et devenu esclave ou bien à payer la dette pour libérer celui qui n’avait pas pu payer et était devenu esclave. Le « goël » était le membre de la famille chargé de l’opération.

Jésus est notre goël, le goël de toute l’humanité. Il est celui qui nous « rachète ». Et c’est ainsi que nous sommes libérés des lourdes dettes du péché et de la mort. Mais, il faut faire attention à l’image. On pourrait lui donner une extension qui la fausserait entièrement. Dans l’antiquité, il a fallu que les Pères de l’Eglise corrigent ceux qui allaient jusqu’à dire que Jésus avait payé au diable la rançon pour la libération des siens ! A l’époque moderne, la déformation a porté sur les souffrances de Jésus. Certains ont vu dans les souffrances de Jésus le « prix » du rachat. Bien sûr, il serait indécent de relativiser les souffrances de Jésus. Elles ont été atroces. Mais, dans l’histoire de l’humanité combien ont vécu des souffrances atroces ! Sous la violence des hommes ou dans la maladie. Avant l’usage des antalgiques d’aujourd’hui, un cancer généralisé provoquait des souffrances insupportables ! Quoiqu’il en soit, ce ne sont pas les souffrances de Jésus qui sauvent, mais l’acte d’amour qu’il produit. Lui, le Fils unique de Dieu, devenu homme pour notre salut, donne sa vie. Et c’est cet acte-là, ce don, qui est sauveur. Non pas ce que Jésus subit, mais ce que Jésus produit !

Il y a eu, à la suite des déviations doctrinales sur la mort de Jésus, tout un christianisme qui a valorisé la souffrance. On appelle cela le « dolorisme ». Il était bon de souffrir parce que cela était sauveur. La souffrance de l’homme faisait plaisir à Dieu ! Il fallait, cependant, qu’elle soit « offerte ». Et donc il n’était pas question d’être heureux sur la terre. Cela était réservé au ciel. C’est une très grave déviation de la foi chrétienne. Et de même il y a eu, lié à une fausse interprétation de la croix de Jésus, tout un système - c’était vraiment un système – de culpabilisation.

Il importe de savoir son péché, de le connaître. Mais cela ne relève pas de la culpabilisation. Car on ne s’arrête pas à cela. On cherche à se corriger et on demande pardon. Retourner dans son péché, s’y enfermer comme dans une prison circulaire, tourner et tourner encore, sans qu’il y ait une issue, c’est pervers.

Il faudrait développer tout cela. Un jour j’y reviendrai. Mais, frères et sœurs, que ce jour de la transfiguration nous aide à comprendre la mort de Jésus comme un acte d’amour, lumineux et rayonnant. Ne réduisons jamais la mort de Jésus à un événement sinistre et monstrueux. Certains ont fait de la mort de Jésus le comble des péchés. Elle est, en fait, la fin de tous les péchés ! Amen.