Homélie du 30e dimanche du Tps ordinaire

25 octobre 2019

La parabole est bien connue, mais relisons la de près. Notons, d’abord, que c’est au Temple que le pharisien et le publicain viennent prier. Et voyons leur attitude.

Le texte commence par décrire le pharisien. Il se tient debout. Il est sûr de lui et il prie « en lui-même ». Autrement dit en silence. En fait, il y a une prescription juive qui dit qu’il faut au moins murmurer la prière. C’est ce que l’on voit et entend aujourd’hui encore au mur des lamentations, au pied du Temple. Mais la question n’est pas là. La question est : est-ce une prière ?

Le pharisien rend grâce. Rien de plus juste. Tout à l’heure je vous dirai : « Rendons grâce au Seigneur » et vous répondrez : « Cela est juste et bon ». Mais le motif du pharisien contredit l’action de grâces : « Je ne suis pas comme les autres hommes. »

C’est catastrophique ! Peut-être y voit-il une grâce qui lui est faite par Dieu, mais, en fait, il s’attribue tellement la chose que se comparer et s’estimer supérieur aux autres en devient odieux. Tout de suite, en effet, il est dans l’accusation : les autres sont voleurs, injustes et adultères. On ne peut pas rendre grâce en accusant les autres !

De plus il ajoute : « Je ne suis pas comme ce publicain ». Il l’a remarqué : sans doute en entrant, car il n’a pas pris la peine de se retourner ! et, certes, il ne rend pas grâce pour lui, mais il n’intercède pas non plus pour lui. Si le publicain était un vrai pauvre type, c’est ce qu’il aurait dû faire. Mais, au contraire il se vante : « Je jeûne deux fois par semaine et je verse le dixième de ce que je gagne ».

C’est bien de jeûner ! C’est une pratique qui dans la Bible et dans l’Antiquité chrétienne était importante, on peut même dire fréquente et commune et que nous avons abandonnée. Et c’est dommage. Contrairement au préjugé dominant chez les catholiques, jeûner n’est pas un exploit. Ou, alors, les musulmans sont des héros ! C’est une question de décision et d’organisation. C’est, aussi, une question de foi.

Le pharisien jeûne et il verse le dixième de « tout » ce qu’il gagne. Il faut remarquer ce « tout ». Le pharisien est scrupuleux, il entre dans le détail. La menthe et le cumin, précise Jésus dans son apostrophe aux scribes. Mais avec cette aumône légale on retrouve le tryptique : prière, jeune et aumône. La prière, c’est la relation à Dieu, le jeûne la relation à soi, l’aumône la relation aux autres.

Cependant, le pharisien dit qu’il « verse », mais il ne précise pas à qui. En fait, le motif de l’aumône n’est pas dans l’accomplissement d’une prescription qui va nous satisfaire, cultiver notre ego, mais dans le besoin perçu, dans l’attention portée à l’autre. Le motif de l’aumône, ce n’est pas moi, c’est l’autre ! Ce n’est pas pour que je sois généreux, c’est parce que l’autre, objectivement, est dans le besoin.

Le publicain, lui, se tient à distance. Le pharisien s’était avancé, en passant devant, et sans doute de manière très ostentatoire. Et, probablement a-t-il prié les mains levées et le regard tourné vers le ciel. Mais le publicain n’ose même pas lever les yeux. Et il se frappe la poitrine. C’est dans la Bible le geste de la pénitence.

Sa prière est toute simple : « Mon Dieu, montre-toi favorable au pécheur que je suis. » Il ne s’excuse pas, il ne cherche pas de faux fuyants. Il dit la chose telle qu’elle : il est pécheur. Il ne fait pas liste - le pharisien lui faisait la liste : des autres hommes, qui sont « voleurs, injustes, adultères » et de ses performances : « Je jeûne deux fois par semaine et je verse le dixième de tout ce que je gagne. » Car le pharisien compte et aime compter : deux fois par semaine, le dixième de tout ce que je gagne. Il prétend être à jour avec Dieu ! Le publicain, à l’inverse, dit, tout simplement, ce qu’il est. Il est devant Dieu et il lui dit ce qu’il est : « je suis un pécheur ». Sans fioritures.

Jésus a raconté l’événement et il le commente. Il le fait avec autorité : « Je vous le déclare ! » Il parle, alors, de « justice ». Désignant le publicain, il dit : « C’est lui qui est devenu un homme juste plutôt que l’autre ». Etre juste, c’est être ajusté à Dieu. Le publicain est ajusté à Dieu parce qu’il sollicite la miséricorde de Dieu et la reçoit, le pharisien n’est ajusté qu’à lui-même. En fait, il est coupé de Dieu.

Frères et sœurs, comment cette parabole va-t-elle nous parler, être pour nous ?

Je crois qu’il faut distinguer la modestie et l’humilité. La modestie est une qualité morale, très heureuse du point de vue de la vie sociale. Quelqu’un qui se vante sans cesse, qui fait le fanfaron - et nous sommes du pays de Tartarin ! - est pénible et souvent ridicule. Mais, l’humilité, c’est l’attitude devant Dieu. En fait, la seule attitude possible et réaliste devant Dieu. Ce n’est pas seulement qu’il est le Tout-Puissant et nous de simples créatures. L’humilité, c’est dire au Seigneur : « Seigneur, tu es la source de ma vie. Tout ce que j’ai, tout ce que je suis, vient de toi. Oui, je te rends grâce de ce que je suis, sans toi je n’existerais pas et je ne serais rien, mais toi tu donnes toujours. Donne-moi, avant tout, d’accueillir la vie que tu me donnes et nourris la de ton amour. Oui, Seigneur, je sais que tu m’aimes ! Fais-moi vivre ! »

Frères et sœurs, soyons en vérité devant le Seigneur, il purifie nos cœurs, il nous donne son amour. Soyons humbles et accueillants à son amour. Amen !