Homélie Pierre et Paul

2 juillet 2019

Homélie des 29 et 30 juin 2019

Il y a dans les vies de Pierre et de Paul plusieurs aspects majeurs : la conversion, la prédication, la fondation des Eglises, l’envoi de lettres, le séjour à Rome et, bien sûr, le martyre. Dans cette homélie, je vais parler de leur conversion et faire le parallèle entre les deux apôtres.

A strictement parler on ne parle pas de la conversion de Pierre. Il s’agit de l’appel de Jésus, qui chez Marc est très impératif : « Venez, derrière moi et je ferai de vous des pêcheurs d’hommes ! » Ou bien chez Jean : « Tu es Simon, fils de Jean, tu t’appelleras Pierre ».

Pierre devient donc disciple. C’est cela sa conversion. On ne sait rien de son passé. On peut douter qu’il ait été un juif très pratiquant. En tout cas, il n’est pas un pharisien. Cependant, il devait être travaillé par l’attente messianique. Un jour, à la question de Jésus : « Pour vous qui suis-je ? », il devancera les autres disciples et répondra : « Tu es le Messie ».

La conversion de Paul est, elle, une véritable conversion, un total retournement. L’événement est bien connu. Déjà Paul avait approuvé le meurtre d’Etienne et, sans doute quelques années plus tard, il va à Damas pour organiser la persécution contre les chrétiens. Luc dit même qu’il est muni par le grand prêtre de « lettres pour les synagogues ». Mais, à l’approche de Damas, Jésus se manifeste à lui.

Luc, dans les Actes, a fait trois fois le récit de l’événement. Il y a des variantes importantes entre les trois récits. Paul, lui, en témoigne dans la lettre aux Galates : « Je menais une persécution effrénée contre l’Eglise de Dieu et je cherchais à la détruire. » Cependant, il ne décrit pas l’événement à la manière de Luc, qui parle de lumière et cite des paroles : « Je suis Jésus, celui que tu persécutes ». Paul s’exprime sur un tout autre registre. Dans le texte de Paul, tout est intérieur : « Dieu m’avait mis à part dès le sein de ma mère, dans sa grâce il m’avait appelé et un jour il a trouvé bon de mettre en moi la révélation de son Fils pour que moi je l’annonce parmi les nations païennes ».

Ajoutons que si on ne sait rien du passé de Pierre, on sait au contraire que Paul était un pharisien et un juif très zélé pour la loi : « J’allais plus loin dans le judaïsme que la plupart des gens de mon peuple qui avaient mon âge et, plus que les autres, je défendais avec une ardeur jalouse les traditions de mes pères ».

Voilà, brossées en quelques lignes, les deux conversions, celle de Pierre et celle de Paul. Elles semblent très différentes, mais pour peu que l’on regarde le fond les données communes apparaissent et ce sont elles qui font sens.

D’abord, et c’est fondamental, l’initiative est du côté de Jésus. C’est Jésus qui appelle et il appelle pour une mission. A Pierre, il dit : « Tu seras pêcheur d’hommes ». Paul, lui, est envoyé et, très précisément, « aux nations païennes ». Ainsi, la conversion consiste à adhérer à la mission à laquelle on est envoyé.

L’appel est très personnel et il bouleverse la vie et de Pierre et de Paul, mais il s’inscrit dans le vaste cadre de la mission de l’Eglise.

J’insiste sur ce point parce que, souvent, nous avons une compréhension faussée de la conversion. On cesserait d’être incroyant et on deviendrait croyant, on cesserait d’être musulman et on deviendrait chrétien. Bien sûr, des hommes et des femmes ont vécu cela, ce basculement-là. Mais, toute conversion véritable ouvre sur la mission, sur l’annonce de celui qui vient vers moi, me bouleverse, me retourne et m’envoie !

Parce qu’elle est appel, toute conversion est vocation et envoi en mission.

On ne sait rien du baptême de Pierre. En revanche, on sait que Paul, entré aveugle dans Damas – il faut qu’on le guide dans ses déplacements - est guéri par Ananie, le prophète chrétien de Damas, et qu’aussitôt il est baptisé. Pour nous, quelle que soit notre expérience du Christ au long de notre vie, c’est le baptême qui a inscrit en nous l’appel et l’envoi. Car, à notre baptême, nous avons répondu !

Vous allez me dire : « Comment ça ? A mon baptême, je n’ai rien dit. Et, d’ailleurs, on ne m’a pas demandé mon avis. Ce sont mes parents qui ont décidé. »

En fait, quand on baptise un bébé, on n’inscrit pas une marque sur de la cire molle ! Certes l’enfant n’a pas demandé à être baptisé, mais il n’est pas passif dans son baptême, il ne le subit pas. Tout au contraire ! Il est actif et accueille la grâce du Christ selon sa personnalité et, j’ose le dire, librement.

A la naissance la maman a parlé à son bébé. Tout de suite ! Et le bébé n’a pas compris les paroles. Il n’a pas non plus demandé : « Maman, j’ai faim, donne-moi à téter » ! Mais, s’il n’a pas compris les paroles, il a compris qu’on lui disait de l’amour. Cela, il l’a compris et parfaitement ! Et d’ailleurs, si l’on attendait pour parler à un bébé l’âge où ordinairement les bébés parlent il ne parlerait jamais ! Dieu fait de même avec nous : il anticipe sur nos capacités de pensée et de parole et il met son amour dans nos cœurs.

Mais son amour n’est pas une chose, inerte et simplement déposée comme on dépose un objet. Son amour est une vie, son amour grandit et fait grandir et, nous avons cette capacité, à accueillir, dès le plus jeune âge, cet amour vivant.

Bien sûr, par la suite, quand s’éveilleront les capacités de réflexion et de verbalisation, il faudra que l’on transmette les données de la foi, et sans cesse l’homme sera sollicité dans sa liberté, mais avec le baptême l’événement décisif a eu lieu - comme pour Pierre sur les bords du lac de Galilée et comme pour Paul à l’entrée de Damas.

Frères et sœurs, tous, nous sommes des appelés, tous, nous sommes des envoyés. Tous, nous vivons du Christ et tous nous avons à l’annoncer à nos frères les hommes. Que le témoignage de Pierre et de Paul nous stimule et nous donne l’assurance, cette confiance qui animait les premiers disciples, dans une époque temps, qui n’est pas plus difficile que celle connue par les Apôtres qui ont dû affronter un monde juif très hostile et un empire romain persécuteur. Amen.