Homélie du 29e dimanche du temps ordinaire

21 octobre 2019

Une veuve vient casser les oreilles d’un juge peu zélé, sans doute accaparé par des affaires bien plus importantes, et à cause de son insistance, lassé par les cris de cette femme, il lui rend justice. Il sera, enfin ! tranquille. Et la femme reconnue dans son droit.

Voilà une parabole dont l’enseignement est simple et clair. Il faut prier avec insistance et au bout du compte on est exaucé. Car, Dieu agit avec une justice bien plus grande qu’un mauvais juge.

Mais il faut regarder de plus près.

Dans le texte on parle « des élus de Dieu, qui crient vers lui jour et nuit ».

Il est clair, me semble-t-il, que ces « élus de Dieu » ne prient pas isolément, l’un sans l’autre, mais que c’est une prière unanime, celle d’une communauté, la communauté des élus. Et ils prient « jour et nuit », c’est-à-dire tout le temps ! De plus leur prière n’est pas un gémissement ou une simple formule, mais un cri : « Ils crient vers lui jour et nuit ! » Et la question vient, tout naturellement : qui sont ces « élus de Dieu », capables de « crier jour et nuit » ? Ce n’est pas vous, moi, d’autres seulement ! Ces « élus de Dieu qui crient jour et nuit », c’est l’Eglise.

L’Eglise est répandue sur toute la surface de la terre. Pour elle le soleil ne se couche jamais et ainsi sa prière ne cesse pas : ni de jour ni de nuit. Car que fait l’Eglise en tout premier lieu ? Elle prie !

Elle prie depuis qu’elle est née. Elle est née, en effet, de la prière de Jésus et elle est associée à la prière de Jésus dans une prière conjugale permanente. Il est l’Epoux, elle est l’Epouse, et leurs prières n’en font qu’une.

Nous prions le « Notre Père » parce que Jésus l’a donné à l’Eglise. C’est pourquoi nous disons « Notre Père ». Ce « notre » ne désigne pas seulement les chrétiens, quel que soit leur nombre, et pas même tous les chrétiens de tous les temps et de tous les lieux, mais tous les chrétiens, de tous les temps et de tous les lieux, avec Jésus. Avec Jésus ! Le « notre » Père inclut Jésus. Dans le « nous » le premier « je » est celui de Jésus et c’est ce « je » de Jésus qui rend possible le « notre ».

Et le « Notre Père » est un cri : « Que ton Règne vienne ! » On ne prononce pas ces paroles à mezza voce, dans un murmure, mais on les crie. Oui, « Que ton règne vienne » ! est un cri. Il est le cri des « élus de Dieu » qui « jour et nuit » réclament justice.

Mais depuis le premier Notre Père, celui que Jésus a transmis aux apôtres, combien de « Notre Père » ont été priés, combien ont été « criés » ? Et combien, en ce moment même à travers le monde, sont-ils priés, criés ? Ceux d’hier et ceux d’aujourd’hui - et il y aura ceux de demain ! sont, littéralement, innombrables. Seul Dieu pourrait les compter.

Et il les compte. Car il les entend. C’est cela l’enseignement du texte. Par-delà l’empressement qui est décrit ce qui est dit c’est que Dieu entend la prière des élus de Dieu, la prière de l’Eglise. Et s’il l’entend, un jour sa volonté se fera sur la terre comme elle se fait aujourd’hui au ciel.

Quand nous disons « Que ta volonté soit faite », nous ne disons pas Inch Allah ! Nous ne disons pas : « Nous nous soumettons à ta volonté ! ». Nous disons tout autre chose. Nous disons : « Ta volonté se fait dans le ciel - là où sont les anges et les saints et où tout va bien – mais elle ne se fait pas encore sur la terre, où il n’y a pas que des saints ! Que donc vienne ton règne pour que ta volonté se fausse, aussi ! sur la terre ».

La prière chrétienne, la prière de l’Eglise, est un cri qu’avec Jésus nous lançons vers Dieu. Mais, la dernière phrase du texte nous interpelle radicalement.

Jésus vient de montrer que Dieu fera justice aux élus de Dieu. Mais il interroge : « Le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » Terrible question ! Mais surtout formidable révélation : l’Eglise n’est l’Eglise que par ce qu’elle se tient dans la foi. Frères et sœurs, levons-nous et affirmons notre foi.