Signification de la Transfiguration

29 mars 2019

Tout de suite on sait que l’événement relève de l’intimité. Jésus prend avec lui seulement trois disciples, les plus proches : Pierre, Jean et Jacques - vous notez l’inversion : au lieu de l’habituel « Jacques et Jean » ou a « Jean et Jacques » ; il n’est pas, non plus, précisé « les fils de Zébédée ». Luc dit que Jésus gravit la montagne pour prier. L’événement va être très intime. Quoi de plus intime que la prière ? Et, très particulièrement, celle de Jésus.

Dans la transfiguration, il y a le visage et le vêtement. L’évangéliste dit simplement, à propos du visage qu’il devient autre. Cette transformation du visage de Jésus n’est pas autrement précisée. C’est du vêtement qu’il est dit qu’il devient d’une blancheur « éblouissante ». Jésus est couvert, habillé de lumière. C’est là l’annonce la plus forte de sa résurrection.

Moïse et Elie apparaissent dans la gloire et s’entretiennent avec lui. Ils sont deux « hommes », il n’est rien dit d’autre à leur sujet. Il n’est pas dit qu’ils sont prophètes ou des hommes saints. Au lecteur d’interpréter leur identité.

Moïse et Elie s’entretiennent avec Jésus, c’est une conversation. Le contenu précis n’est pas donné. On sait seulement le sujet : « ils parlaient de son départ, qui allait s’accomplir à Jérusalem ».

Comment comprendre ce « départ » ? S’il s’agit seulement de sa mort, cela est dit d’une manière très adoucie. Mais, s’agit-il seulement de sa mort ? Probablement il s’agit, aussi, de sa résurrection et de son départ vers le Père. Ce qu’indique le vêtement éblouissant.

De plus pourquoi Moïse et Elie ? Certes, on pourrait dire que Moïse représente la Loi et Elie les prophètes, les deux grandes parties de l’Ancien Testament. Mais, en fait, dans le judaïsme, Moïse est un prophète. Il faut penser plutôt à leur « départ ». Moïse n’entre pas dans la terre promise, mais il monte sur la montagne et disparaît mystérieusement. Nul n’a jamais trouver son tombeau. Quant à Elie, on connaît le fameux récit de son enlèvement sur un char vers le ciel.

Au centre, donc, du récit il y a l’annonce du « départ » de Jésus, de sa résurrection et de sa montée dans la gloire.

Maintenant le texte se concentre sur les disciples. Mais c’est Pierre qui est mis en avant. L’évangéliste parle de « Pierre et ses compagnons ». Ils sont accablés par le sommeil. Ce n’est pas seulement qu’ils ont une forte envie de dormir ! Ce sommeil est mystérieux. Il figure, en fait, la tentation. Invitant les disciples à prier Jésus à Gethsémani, leur dira : « Luttez contre la tentation ». Et les disciples, faisant l’effort, « restent » éveillés.

C’est alors qu’il est dit qu’ils voient la « gloire » de Jésus et les deux « hommes » à ses côtés. Notons au passage que la gloire concerne Jésus et non Moïse et Elie.

Rien n’est dit de ce que ressentent les disciples. Il n’est même pas dit qu’ils sont étonnés ou dans la crainte. Simplement, au moment où cela se termine, au moment où Moïse et Elie s’éloignent, Pierre dit à Jésus : « Maître, il est bon que nous soyons là. Faisons : trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Elie. »

Manifestement, Pierre veut que cela dure. C’est le sens de son désir de faire trois « tentes ». Mais, tout de suite l’évangéliste commente : « Il ne savait pas ce qu’il disait ». Ce désir de Pierre de prolonger l’événement ne correspond, en rien, à la situation. On pense à la réponse de Jésus à Marie de Magdala : « Ne me retiens pas ! » Cette gloire de la transfiguration, pour spectaculaire qu’elle soit, n’est qu’un moment, une annonce. La gloire de Jésus, ce n’est pas pour maintenant.

Cependant tout n’est pas fini. « Pierre n’avait pas fini de parler qu’une nuée survint et les couvrit de son ombre ; ils furent saisis de frayeur lorsqu’ils y pénétrèrent ». On a là les données traditionnelles des théophanies, des manifestations divines : la nuée et la « frayeur »de ceux à qui elle s’adresse.

Le texte continue : « Et, de la nuée, une voix se fit entendre : Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le.

Pierre voulait monter trois tentes, apparemment égales les unes aux autres. Mais, la parole révèle que Jésus est unique. Sans doute converse-t-il avec Moïse et Elie de son « départ », mais il est seul à être le Fils. Il est le Fils « choisi ». Et la conclusion suit : c’est lui qu’il faut écouter. Par-delà la révélation portée par Moïse et Elie, il y a la révélation nouvelle, celle de la nouvelle alliance. Cela est renforcé par le verset qui suit : « Et pendant que la voix se faisait entendre, il n’y avait plus que Jésus seul. ».

Le récit s’achève ainsi. Jésus ne donne pas une consigne de silence, comme il le fait souvent dans l’évangile. C’est d’eux-mêmes que le disciples se taisent : « Les disciples gardèrent le silence et, en ces jours-là, ils ne parlèrent à personne de ce qu’ils avaient vu. »

En résumé, il y a le temps du ministère et celui de la Passion et de la Résurrection. Que notre carême soit, de plus en plus, une préparation à l’unique événement du salut que sont, indissociablement liées, la Passion et la Résurrection. Oui, frères et sœurs, à Pâques nous célébrons un seul mystère, celui du « départ » du Seigneur. Amen.