« Reflexion de fond sur la famille »

28 décembre 2018

Dimanche de la Sainte Famille, Courthézon, 30 décembre 2018.

On parle aujourd’hui de «  crise de la famille  ». Ce n’est pas contestable : il y a crise. On peut même ajouter que la famille fait l’objet d’une attaque en règle, conduite de manière délibérée, avec de puissants relais dans les médias. Sans aucun doute il nous revient de dénoncer cela. Mais nous avons, aussi, à nous interroger sur les fondements de nos convictions. C’est d’ailleurs ainsi que nous aurons les meilleures chances de dire ce qu’il y a d’irresponsable et de criminel dans la mise en cause de la famille.

A propos des fondements de nos convictions chrétiennes concernant la famille, il faut, cependant, dire, avant toute autre affirmation, qu’en perspective catholique aucune institution ne vaut pour elle-même. Pas même la famille  ! En christianisme, une institution, quelle qu’elle soit, est ordonnée au service des personnes. Il en va ainsi de la famille.

Ceci étant dit, je voudrais, d’abord, insister sur l’idée que la famille est une réalité diversifiée, que les rôles des uns ne s’identifient pas aux rôles des autres. Chacun a le sien, qui lui est propre et qui est unique. C’est par là que la famille joue un rôle essentiel pour la croissance et l’épanouissement de chacune des personnes qui la composent. Cela vaut pour chacun des deux parents comme pour chacun des enfants.

Il est essentiel de bien comprendre cette dialectique des rôles et des personnes. Parce qu’elle est une institution la famille définit des rôles et il est bien entendu que les personnes importent plus que les rôles. Cependant, une méconnaissance des rôles entraîne de graves préjudices pour les personnes. Or, notre société a fortement tendance à nier les rôles, parce qu’elle prétend dénoncer les conventions établies. Et, souvent de manière perverse, elle met en avant la liberté des personnes au point de nier la validité de repères stables.

Je ne peux pas, dans le cadre d’une homélie, entrer dans le détail. Mais on comprend bien que le rôle du père, pour ne prendre que celui-là, est, certes, susceptible de sensibles variations selon la personne qui l’assume. Mais il y a quelque chose de stable, d’ «  objectif  », dans les obligations qu’un père doit assumer. Quand ces obligations ne sont pas satisfaites, cela entraîne des perturbations, qui peuvent être graves, pour les enfants, pour chacun des enfants, et pour la mère.

Pour bien comprendre cette notion de «  rôle  », on peut la distinguer de celle des «  tâches  ». Dans une famille il y a de multiples tâches à accomplir : faire les courses, le ménage, la vaisselle, payer les factures, nettoyer la voiture, réparer la machine à laver, changer la couche de bébé, sortir le chien, vider les poubelles, amener les enfants à l’école … Volontairement, je mets tout cela en vrac  ! Ce sont des «  tâches  ». Elles peuvent être accomplies par le père ou la mère indifféremment. L’important est leur répartition. Ce n’est pas bon quand c’est la même qui fait tout  ! Reste le point important : les «  tâches  » peuvent être accomplies indifféremment par l’un ou par l’autre et cela varie d’un couple à l’autre.

Il n’en va pas de même des «  rôles  » : le père a son rôle, la mère a son rôle.

Le rôle n’est pas identifié par une liste de «  tâches  ». Le rôle a une portée «  symbolique  », une force de sens, qui donne à l’enfant d’avoir et un père et une mère, dans la différenciation sexuelle et l’union du couple. C’est ce qui est gravement attaqué aujourd’hui quand on veut indifférencier le rôle du père et celui de la mère dans la notion de «  parentalité  ». Certes, cette notion a sa justesse, mais elle a aussi son usage, ou plutôt son abus, idéologique. Certains, en instillant la confusion du rôle du père et de la mère par la promotion de la «  parentalité  » ont préparé le terrain pour l’homo-parentalité.

Je pense avoir suffisamment insisté sur cette distinction du «  rôle  » et de la «  tâche  », mais, je le répète, elle est capitale et je vous invite à approfondir la réflexion.

Mais, je tiens à souligner un autre point, tout aussi capital.

En théologie catholique, il n’y a pas de sacrement de la famille. Ni le mariage des parents, ni le baptême des enfants ne peuvent en tenir lieu. Et cela permet de poser de manière radicale la question : quel est, du point de vue catholique, le fondement de la famille  ?

La famille est, pour ainsi dire, un au-delà du couple. Car elle le dépasse et l’englobe. Par la famille, l’engagement matrimonial, le don réciproque de l’homme et de la femme, se déploie dans un cadre nouveau où l’homme se découvre père dans le regard de sa femme, comme la femme se découvre mère dans le regard de son mari. Car la fécondité n’est pas immédiate, unilatérale pour ainsi dire. Elle ne va pas directement du père à l’enfant, de la mère à l’enfant, elle est, irréductiblement, fécondité à deux.

Cette évidence, notre société, qui a l’imposture de parler de famille «  monoparentale  », a besoin de la ré-entendre  ! Et très fort  ! C’est à deux que l’on fait un enfant. Il y a là comme une seconde indissolubilité. La première est celle qui lie l’homme et la femme et l’institue comme couple par le sacrement de mariage. La seconde est celle qui fait, irrévocablement, d’un homme et d’une femme le père et la mère d’un enfant, de cet enfant-là. Et qui porte un nom  ! Il est identifié. Il a une identité. Ce lien de la fécondité en cet enfant donne à la relation du père et de la mère une indissolubilité liée à l’existence même de l’enfant.

Il ne s’agit pas là de réalités biologiques brutes et que l’on ne pourrait rappeler que par truisme. Il y a là, par dépassement de l’acte biologique de la fécondité, qui est un acte humain, qui n’est donc pas simplement biologique, la source des obligations les plus fondamentales de l’institution familiale.

Ainsi il n’y a pas d’un côté l’engagement matrimonial et de l’autre les responsabilités qui découlent de la paternité et de la maternité. Il y a unité, articulée certes, mais unité qui va du couple à la famille, mais aussi de la famille au couple. Du couple naissent les enfants, mais les enfants font du mari un père et de la femme une mère - en sorte que la fécondité transforme, de l’intérieur, l’union de l’homme et de la femme.

Pour nous chrétiens, tout cela est signe de Dieu, tout cela signifie que, véritablement, l’homme et la femme sont «  à l’image de Dieu  », en leur union comme en leur fécondité.

Frères et sœurs, je vous invite à raviver en vos cœurs ces convictions. N’en faites pas des slogans ou de simples mots d’ordre. Mais revenez-y toujours : il y a pas de lieu où Dieu se dise mieux que le couple et la famille.