Les pédophiles prêtres

1er septembre 2018

"On aurait pu penser que la crise des prêtres pédophiles allait s’apaiser, que le grand nombre des révélations avaient en quelque sorte épuisé le sujet et que les demandes de pardon de l’Eglise, par le pape en particulier, ouvriraient une période de sérénité. Il n’en est rien  ! Les révélations ne cessent pas et les demandes de pardon sont jugées insuffisantes. Que certains en profitent ne change rien. La faute est entièrement celle de l’Eglise et elle est très grave. En fait, elle est double. Il y a celle des prêtres pédophiles, énorme, odieuse, monstrueuse. Et celle des évêques.

Je voudrais d’abord dire que je préférerais que l’on parle des pédophiles prêtres plutôt que des prêtres pédophiles. Car, ce qui s’est passé, c’est que des pédophiles se sont introduits dans le sacerdoce pour se couvrir. Ils ne sont pas devenus pédophiles en étant prêtres. Ils l’étaient déjà. Ce n’est pas le sacerdoce qui les a rendus pédophiles. Mais, sous le couvert du sacerdoce, ils ont su perpétrer leurs méfaits. Car ils sont des prédateurs hypocrites. Quand je dis cela, je n’exempte pas l’Eglise de faute. Car, ce fait témoigne d’une très grave faute de discernement. Dans beaucoup de cas, on avait déjà dû remarquer des comportements déviants, mais on est passé outre et on a ordonné prêtre. J’en viens ainsi à la deuxième faute, celle des évêques.

Bien entendu ils n’ont jamais approuvé de tels comportements et il y a eu des remontrances. Mais tellement insignifiantes et souvent on a à peine tenu compte des faits. On s’est contenté de déplacer le prêtre fautif. Il y a là le réflexe d’une institution qui protège ses membres. Ce réflexe est universel. Toutes les institutions réagissent ainsi. Mais, dans le cas particulier il y a bien plus. Il y a essentiellement le fait que l’Eglise se prétend au-dessus de toutes les institutions humaines. Elle prétend, ainsi, au droit de gérer en interne tous ses problèmes. C’est ce que le Pape appelle le «  cléricalisme  ». Il vise juste  ! Il est en pleine cible. Et la preuve en est la réaction de beaucoup à la curie romaine ou ailleurs.

Le corps ecclésial a généré un corps ecclésiastique, un clan fermé et sûr de lui, qui a ses normes et ses codes. Un corps où l’on fait carrière et où l’on prétend à toutes sortes d’avantages, et de privilèges. Surtout on est intouchable  ! On est exactement dans ce que dénonce Jésus dans l’évangile : les pharisiens ne font pas comme les autres, ils se mettent au-dessus de tous et ils en sont fiers  ! Ils n’ont que morgue pour ceux qui ne sont pas comme eux.

Je pourrais développer ce thème du cléricalisme, et à l’occasion j’y reviendrai un jour. Mais, je voudrais vous faire réfléchir sur ce que j’appelle le «  moralisme  ».

Quand je confesse les enfants, je leur demande : «  Qu’est-ce qu’un péché  ?  » Très souvent ils répondent : «  C’est faire le mal  ». Alors, je leur dis : «  Tu ne fais pas le mal en l’air, comme ça  ! Tu fais du mal, du mal à quelqu’un.  » J’illustre le fait en disant : «  Si tu dis un gros mot à ta sœur, tu lui fais du mal, mais si tu dis le même gros à ta maman, tu fais un mal plus grave.  » Et, bien sûr, l’enfant comprend très bien  ! Mais, l’Eglise n’a pas ce discours.

On a tout centré sur le regret du mal. «  Mon Dieu, j’ai péché, je t’ai offensé  ». C’est le lamentable acte de contrition. Où il n’y a pas de demande de pardon, qui tournerait vers l’autre, mais seulement le regret qui tourne vers soi. Si l’Eglise avait centré le regard sur celui qui a subi le mal, elle aurait pris en considération la souffrance des victimes. Et c’est là la faute gravissime dans le cas des prêtres pédophiles : on a ignoré les victimes  ! Non seulement la gravité du préjudice subi par eux, mais même leur existence.

Ce que je dénonce, c’est cette approche abstraite du mal : il y a du mal, mais du mal qui ne fait du mal à personne  ! C’est cela le moralisme : on enfreint la loi, mais on ne fait que cela  ! Eh bien, non  ! Un péché, ce n’est pas seulement enfreindre la loi. Un péché, c’est faire du mal à quelqu’un, qui est enfant de Dieu. Et donc il n’y a pas de démarche pénitentielle sans prise en considération du mal que j’ai fait subir à l’autre. C’est lui et sa souffrance qui importent, pas moi et mes regrets.

Je voudrais illustrer cela par un cas particulier, celui de l’adultère. La faute n’est pas de prendre du plaisir avec une femme ou un homme. Cela est dérisoire. Ce qui est grave c’est la souffrance infligée à son conjoint. Au cours de mon ministère, j’ai eu l’occasion d’entendre cette souffrance, ce sentiment de trahison, cette négation de soi qu’elle entraîne et cette expérience du mépris. C’est terrible. Là est la faute, pas dans le gouzzi-gouzzi  !

J’ajoute un point. Si l’on a tant mis l’accent sur le regret, c’est aussi parce qu’on a mis l’accent sur la peine du péché, qu’on a parlé à tout bout de champ de l’enfer. Quand j’avais péché, le problème était pour moi d’éviter la peine que Dieu allait m’infliger. A coup sûr une peine terrible, une peine éternelle  ! Et du coup la souffrance de l’autre n’entrait plus en considération. Moi seul comptait  ! J’insiste : il faut être conscient que dans toutes ces affaires c’est tout un système de pensée qu’il faut mettre en cause.

Le cléricalisme et le moralisme vont ensemble, de même le ritualisme, quand on s’enferme dans les rites, dans les prescriptions du rituel. Et tout cela est alimenté par le conservatisme : pourquoi tes disciples n’observent-ils pas la tradition des anciens  ? objectent les pharisiens à Jésus.

L’Eglise a besoin de faire un examen de conscience radical. Il ne s’agit pas seulement de la déviance de quelques uns. Il s’agit d’un comportement d’ensemble porté par toute une idéologie. L’Eglise a besoin d’une radicale purification évangélique. C’est ce à quoi le Pape invite en s’adressant, non pas aux hiérarques de l’institution, mais à tout le Peuple de Dieu.

Je vous invite à réfléchir, à déconnecter les mauvaises connexions, à vérifier le virus entré dans l’ordinateur. Car, encore une fois, il ne s’agit pas seulement de quelques uns et il ne s’agit pas seulement de comportements, mais de tout un système de pensée. Amen."