Le sens de l’offertoire

10 mars 2020

Selon le programme annoncé, je commente une donnée importante de la liturgie eucharistique. Au cours de l’eucharistie, il y a deux actes d’offrande, celui du pain et du vin au moment que l’on appelle l’« offertoire » et celui du Corps et du Sang du Christ dans la Prière eucharistique après la « consécration » et l’anamnèse. Il est très clairement dit, dans la Prière eucharistique, que le pain et le vin qui deviennent le Corps et le Sang du Christs sont des « offrandes ». Ils ne sont pas simplement posés là, de simples choses, ils sont du vin et du vin offerts. Avant l’action de Dieu, celle du Saint Esprit, qui « opère » la conversion du pain au Corps et du vin au Sang, il y a eu l’action de l’homme qui a offert. C’est donc tout le sens de l’« offertoire ». Sans être un moment clef de la célébration, c’est un moment dont il faut comprendre le sens.

Le rite commence par la bénédiction que prononce le prêtre : « Tu es béni Dieu de l’univers, toi qui nous donnes ce pain, fruit de la terre et du travail des hommes ; nous te le présentons, il deviendra le pain de la vie ». On bénit Dieu, le « Dieu de l’univers », pour ses dons : « ce pain, fruit de la terre », mais aussi « du travail des hommes ». Le pain, comme le vin, ne sont pas des produits immédiats de la nature ; ils sont le résultat d’une transformation humaine. Ce qui est ressaisit dans l’acte d’offrande c’est donc l’action du créateur et de l’homme, indissociablement liées. A noter que la bénédiction du prêtre est reprise par la bénédiction de l’assemblée, qui dit : « Béni soit Dieu, maintenant et toujours ». Après l’offrande du vin, le prêtre s’incline et dit : « Humbles et pauvres, nous te supplions, Seigneur, accueille-nous. Que notre sacrifice, en ce jour, trouve grâce devant toi. » Cet acte d’offrande du pain et du vin peut être qualifié de « sacrifice », car nous prélevons, sur les dons que Dieu nous faits et sur l’action humaine, une part qui est « consacrée », qui est pour Dieu. Mais, plus fondamentalement en disant : « Accueille-nous, Seigneur » nous nous donnons à lui. Dans l’ « offertoire », l’homme n’offre pas seulement des « dons », mais s’offre lui-même. Littéralement il s’expose à l’action divine.

Le prêtre se lave les mains en signe de « purification » ; il dit : « Purifie-moi de mon péché ». Rien à voir avec le coronavirus ! Et puis il invite l’assemblée à la prière. Le dialogue introductif de cette prière est très fort. Le prêtre insiste : « Prions ensemble ! » Et il précise : « Au moment d’offrir le sacrifice de toute l’Eglise ». Ce sacrifice, c’est celui de l’offrande du Corps et du Sang du Seigneur, qui va se réaliser au cours de la Prière eucharistique, mais l’insistance est sur le fait que cette « offrande » n’est pas celle des quelques-uns qui sont rassemblés là, mais de toute l’Eglise, de l’Eglise catholique, répandue sur toute la surface de la terre et dans sa réalité de mystère saint. Dans le credo, on a confessé l’Eglise « une, sainte, catholique ». Et l’assemblée répond : « Pour la gloire de Dieu et le salut du monde ». Le double aspect : « Gloire de Dieu » et « Salut du monde » dit la plénitude de l’acte.

Pour rendre cette action vraiment signifiante, il importe que le pain et le vin ne soient pas apportés à l’autel n’importe comment et de n’importe où. Ni par n’importe qui ! Ici, à Courthézon, deux fidèles prennent le pain et le vin, qui sont disposés dans la nef, et non dans le chœur, les montrent à l’assemblée, en un geste de simple levée, et viennent vers le prêtre, qui les dépose sur l’autel avant de commencer la prière de bénédiction. Je note que ce geste a son plein sens s’il est bref et sans emphase, s’il est fait avec naturel. Par lui-même, il est un geste profane qui amorce une action sacrée. Tout naturellement s’y associe la conclusion de la quête, qui est déposée au pied de l’autel.