Homélie du Père Doumas

9 janvier 2021

Homélie du dimanche 10 janvier 2021.

Baptême du Seigneur

Le baptême de Jésus par Jean Baptiste est un événement incontestable. Même ceux qui ont tendance à mettre en question la véracité historique des évangiles ne le mettent pas en doute. Jamais la communauté chrétienne n’aurait inventé un tel événement ! En revanche, sa signification est bien plus délicate à établir.

Jean prêchait un baptême de repentir. On s’approchait de lui en reconnaissant ses péchés et le geste de Jean authentifiait la démarche. A proprement parler le baptême johannique ne remettait pas les péchés, il n’avait pas cette capacité, réservée au baptême chrétien, qui, lui, n’a été établi qu’après la mort et la résurrection de Jésus. Cependant, le baptême de Jean avait une forte signification, il attestait la sincérité et la profondeur de la démarche de celui qui était baptisé.

Et c’est ainsi qu’il était l’expression majeure du ministère de Jean, qui en tant que « précurseur », préparait la voie à Jésus. Littéralement, les foules qui avaient suivi le Baptiste étaient prêtes à entendre le message de Jésus, l’évangile. Mais, on ne peut pas imaginer que s’approchant de Jean Jésus ait reconnu qu’il avait commis des péchés. Cela est trop contraire à la foi chrétienne !

Il y a, d’ailleurs, dans l’évangile de Matthieu, un court dialogue entre Jean et Jésus, manifestement rédigé par l’évangéliste, qui écarte l’hypothèse. Jean veut empêcher Jésus d’être baptisé par lui. Et il dit à Jésus : « C’est moi qui ai besoin d’être baptisé par toi et c’est toi qui viens à moi ! » Et Jésus répond : « Laisse faire pour le moment, car il convient que nous accomplissions toute justice ». Et l’évangéliste conclut : « Alors Jean le laissa faire ». On remarque que Jean baptise Jésus, mais il n’est pas présenté comme celui qui fait. C’est Jésus l’acteur !

La réponse de Jésus est très mystérieuse. Que veut dire « il convient que nous accomplissions toute justice ». Cela veut dire que la volonté divine est que Jean baptisé Jésus, que Jésus soit baptisé par Jean. Mais, rien n’est dit de la raison, du pourquoi.

Avant de produire une explication, il convient de relire le récit de Marc, qui est le texte source pour Matthieu et, aussi, pour Luc. Jean, lui, s’il insiste sur le « témoignage » que le baptiste rend à Jésus et dit qu’il a vu « l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et demeurer sur lui » ne parle pas du baptême de Jésus.

Marc dit que Jésus vient de Nazareth, en précisant : « une ville de Galilée ». En fait, à cette époque Nazareth est un minuscule village, presque un simple hameau. Jésus vient donc vers le Jourdain et très sobrement l’évangéliste dit : « Et il fut baptisé par Jean dans le Jourdain ».

On ne mentionne aucune présence. Y a-t-il quelques disciples ou une grande foule ? Jean et Jésus sont-ils seuls ? On ne sait pas ! On ignore aussi le geste accompli par Jean. A-t-il enfoncé Jésus dans l’eau ou lui a-t-il versé de l’eau sur la tête ? On ne sait pas ! Jean a-t-il prononcé une parole ou bien cela s’est-il accompli en silence ? On ne sait pas ! Et l’on ne sait pas si Jésus et Jean se sont parlé. Aucune parole entre eux n’est rapportée.

Manifestement ce qui importe, c’est ce qui se passe à la sortie de l’eau. En effet, Jésus « aussitôt » remonte de l’eau : il y était donc descendu ! Et il voit « les cieux se déchirer ».

Les cieux qui se déchirent, cela ne veut pas dire qu’un coup de mistral a écarté les nuages ! C’est, bien entendu de l’ordre du symbole. D’ailleurs, Marc précise que c’est Jésus qui « voit ». Mais, si le ciel se déchire, c’est qu’il était fermé. Dans l’Antiquité, on pense que le ciel c’est solide. Dans le récit de la création, il est désigné comme le « firmament », ce qui est « ferme », et qui sépare les eaux d’en haut et les eaux d’en bas. A l’époque moderne nous avons conservé l’expression : « la voute céleste » Et chacun sait qu’Astérix n’avait qu’une seule peur, que le ciel lui tombe sur la terre. Mais, comme Dieu est dans le ciel et les hommes sont sur la terre, si le ciel est fermé, ça communique difficilement entre Dieu et les hommes. Avec Jésus, la communication est pleinement rétablie : les cieux « se déchirent », ils s’ouvrent en grand !

Et que se passet-il quand, grâce à Jésus, la communication est rétablie entre Dieu et les hommes ? Eh bien : l’Esprit est donné. Il vient « comme une colombe ». C’est l’Esprit de paix. La colombe, c’est l’oiseau de la paix. De l’innocence aussi ! Et une parole d’amour est dite : « Tu es mon Fils bien-aimé ». Et c’est une parole de joie : « En toi, je trouve ma joie ». Ainsi, avec le baptême de Jésus, lorsqu’il remonte de l’eau et que le ciel se déchire, tous les dons de Dieu sont dits : la paix et la joie !

Il est important de lire de près ce texte de Marc ! Par-là, il nous est dit qui est Jésus : le Fils bien-aimé, en qui Dieu met sa joie ! N’oublions pas qu’au moment de la mort de Jésus, dans l’évangile de Marc, le centurion dira : « Vraiment cet homme était le Fils de Dieu ». Cependant, Marc ne dit pas pourquoi Jésus reçoit le baptême prêché par Jean.

Il y a un acte d’humilité de la part de Jésus. C’est incontestable. Mais, cela ne suffit pas pour en dire la signification. En fait en descendant dans l’eau pour recevoir le baptême, Jésus se fait pécheur au milieu des pécheurs. Mais pourquoi se fait-il pécheur ? Pour prendre sur lui le péché des hommes ! Quand je descends dans l’eau, j’y laisse ma crasse, quand Jésus remonte de l’eau il prend ma crasse ! C’est trivialement dit, mais c’est exactement cela. Sortant de l’eau du Jourdain, Jésus porte sur lui le péché du monde.

Mais, Jésus ne se contente pas de porter le péché du monde. Il enlève le péché du monde. Il n’est pas seulement solidaire de notre péché, il en est le vainqueur. C’est capital ! Ne nous arrêtons jamais seulement à l’incarnation, allons toujours jusqu’à la mort et la résurrection. Jésus sauve ! Il arrache l’homme à la mort et au péché. Quand, tout à l’heure, commencera le rite de communion : il commence avec la Fraction du Pain, qu’accompagne le chant de l’Agneau de Dieu, et que nous chanterons : « Agneau de Dieu, qui enlèves le péché du monde » nous nous redirons intérieurement que, lors de son baptême, Jésus a pris le péché sur lui et que maintenant il l’enlève. Nous chanterons notre salut et c’est ainsi que nous communierons à son Corps !