Homélie

30 janvier 2020

Nous venons de lire la vocation des quatre premiers disciples de Jésus.

On est au bord du lac de Galilée, tout proche de Capharnaüm. Ils sont, en effet, tous les quatre pécheurs, comme beaucoup autour du lac. Il y a Pierre, qui s’appelle alors Simon, et son frère André. Et il y a Jacques et Jean, les fils de Zébédée. Jésus les appelle et tout de suite ils le suivent. Pierre et André d’abord, puis Jacques et Jean. On imagine Zébédée, les mains sur la hanche, qui reste seul dans sa barque, sans doute assez désappointé et plutôt contrarié !

Dans le texte de Luc, la vocation de Pierre est liée à la pêche miraculeuse et Pierre se prosterne devant Jésus en lui disant : « Eloigne-toi de moi, Seigneur, je suis un homme pêcheur ! » Rien de semblable ici, dans Marc, où le récit est très sobre. Par ailleurs, on sait que dans l’évangile de Jean, les choses se passent très différemment. André a suivi Jésus, que Jean-Baptiste avait désigné comme l’Agneau de Dieu et après avoir vu « où il demeurait », il est allé chercher son frère pour le conduire à Jésus, qui, tout de suite, lui donne le nom de Pierre. Et cela se passe, non pas sur les bords du lac de Galilée, mais le long du Jourdain.

Tous ces textes sont des rédactions, des « catéchèses » de la vocation. Les évangélistes veulent nous instruire et non pas nous informer des détails de l’histoire. Nous ne saurons jamais comment Pierre et André, Jacques et Jean se sont décidés à suivre Jésus. En particulier, nous ne pouvons pas savoir ce qu’ils savaient de Jésus, s’ils avaient entendu parler de lui ou s’ils l’avaient entendu prêcher. Ce qui importe, c’est qu’ils l’ont suivi et qu’ils le suivront jusqu’au bout, jusqu’au martyre.

Dans cette homélie, je voudrais insister sur un point bien particulier : notre foi est, bien sûr, en référence au Créateur et nous affirmons beaucoup de choses sur beaucoup de sujets. Par exemple, à cause de la résurrection de Jésus, nous disons que la vie après la mort est une rencontre avec le Seigneur, qui nous fait entrer dans l’intimité de Dieu. C’est ce que nous disons lorsque nous disons que nous sommes « enfants de Dieu ». Mais, être chrétien, c’est fondamentalement adhérer à Jésus.

Un fondateur de religion comme Mahomet a suscité une adhésion à sa personne. Pour les musulmans, il est le prophète. Mais, l’islam n’est pas une adhésion à la personne du prophète, il est soumission à la volonté divine, que le prophète a révélée. En christianisme, Jésus est l’objet même de la religion, pour ainsi dire son contenu.

Jésus est, avant tout, une personne, très concrète et très singulière. Il a une manière de parler et d’agir qui n’appartiennent qu’à lui. Il proclame les béatitudes et il enseigne les paraboles. Il fait des exorcismes et guérit les malades, que ce soit le sabbat ou non. Et il a cette liberté et cette autorité qui tout de suite ont frappé les foules : il n’est pas comme les scribes ! Plus encore il a un contact extraordinaire avec les personnes. On pense à Zachée et Bartimée, à la samaritaine et à la femme adultère, dont nous ignorons les noms, mais dont, lui, il connaît le cœur ! Bien sûr, nous le confessons comme le Fils de Dieu, nous disons à la suite de saint Jean : « Le Verbe s’est fait chair » ou comme Paul : « Il s’est dépouillé lui-même ». Mais, ce qui met en mouvement notre acte de croire, c’est bien sa personne, la personne de Jésus.

Dans l’Antiquité, rien n’était plus naturel et spontané que de s’adresser à un païen de sa famille ou de ses amis, ou même au hasard d’une rencontre, et parler de la foi chrétienne et c’est ainsi que l’Empire romain, officiellement et profondément païen, est devenu chrétien. Les chrétiens n’ont pas conquis le monde par les armes, mais par la parole ! Aujourd’hui nous avons beaucoup plus de mal à parler. Nous avons même tendance à raser les murs. Je ne dis pas que nous avons à tomber dans le prosélytisme, à être sans arrêt à dire : « Jésus t’a sauvé ! » Mais, je crois que nous pouvons parler de Jésus bien plus facilement que nous ne le faisons.

Jésus, même dans notre monde « post-chrétien », suscite la sympathie. Peu de gens lui sont hostiles. A la rigueur, on se moque de lui, mais ça ne va guère plus loin. Et donc nous avons là un espace de parole, nous pouvons sans qu’il y ait immédiatement blocage ou hostilité parler de lui et tout simplement dire notre admiration et notre adhésion à sa personne. Ce ne sera peut-être que cela, mais ce sera peut-être aussi le commencement d’autre chose. A partir de la personne de Jésus, on pourra entrer dans le « mystère », dans la révélation, dans ce que Dieu dit aux hommes, que les hommes peuvent comprendre mais qu’ils ne peuvent pas découvrir par eux-mêmes. Et qui est, en fait, décisif pour leurs existences.

Je vous invite à faire grandir en vos cœurs l’amour pour Jésus : l’amitié ! Et à partir de là à en parler. Comme on parle d’un ami : en disant votre admiration et votre affection. C’est bien ainsi que s’atteste la foi ! Amen.