« La nouveauté du Christ »

12 janvier 2019

De ce texte, je relève un détail. L’évangéliste nous dit : «  Comme tout le peuple se faisait baptiser et qu’après avoir été baptisé lui aussi, Jésus priait, le ciel s’ouvrit  ». Que Jésus prie après avoir reçu le baptême n’est pas surprenant, ce qui étonne plus c’est qu’il soit baptisé en dernier. Pourquoi cela  ? Pourquoi faut-il que tout le monde soit baptisé pour que Jésus le soit  ?

Manifestement ce n’est pas la foule qui cesse de s’approcher pour que Jésus soit baptisé, mais c’est en s’approchant et en étant baptisé que Jésus met fin au baptême de la foule. Ainsi le baptême de Jésus clôt le temps du baptême de Jean. Et cela signifie combien avec Jésus commence quelque chose de radicalement nouveau.

Je voudrais, avec vous, réfléchir, à cette nouveauté de Jésus.

Jamais venue n’a été aussi annoncée et autant préparée que celle de Jésus, et pourtant cette venue de Jésus ouvre une nouveauté inattendue et impossible, donc à annoncer  !

On avait imaginé toutes sortes de choses à propos du «  messie  ». Il devait être, avant tout, un «  juste  », quelqu’un qui serait un parfait observant de la Loi, littéralement le «  maître de justice  ». Mais, en tant que descendant de David il serait un roi, puissant et efficace, qui éliminerait de la terre d’Israël tous ses ennemis et établirait l’égalité entre tous. Le couronnement de son œuvre serait l’établissement d’un culte purifié, dépouillé des lourdes ambiguïtés du Temple, tel qu’il était géré par les grands prêtres de la dynastie d’Anne et de Caïphe.

Quand, à proximité de Césarée de Philippe, Pierre répond, à la question de Jésus : «  Qui dites-vous que je suis  ?  » - «  Tu es le Messie  », la réponse est claire si l’on s’en tient au mot, mais extrêmement floue si l’on veut désigner la chose  !

En 135 après Jésus-Christ, sous l’empereur Hadrien, un certain Bar Kokeba se fera passer pour le messie et certaines autorités religieuses le reconnaitront comme tel, mais les Romains écraseront la révolte. Et les Juifs seront chassés de leur terre. Ils ne s’y réinstalleront qu’au vingtième siècle  !

Jésus aussi a été éliminé. Mais ce qui devait mettre fin à l’aventure en devient le centre : sa croix, signe et lieu du salut  ! Et très vite ses disciples prêchent la résurrection avec succès et bientôt il y aura des chrétiens partout.

Mais, je reviens à la question : quelle est l’originalité de Jésus  ?

On pourrait mettre en avant ses paraboles et les béatitudes, ses miracles et son empathie extraordinaire pour la foule et pour les personnes. Sans doute tout cela est unique. Mais par-delà ce que dit et ce que fait Jésus, il y a sa personne, son être : ce qu’il est.

C’est là que la confession de foi est décisive. Dans le Credo, nous proclamons que Jésus est le Fils de Dieu, qu’il a même «  nature  » que le Père, qu’il est pleinement Dieu. Nous affirmons qu’il est le Créateur : «  Par lui tout a été fait et sans lui rien n’a été fait  ». Et nous disons, pour prendre à nouveau le prologue de saint Jean, que «  le Verbe s’est fait chair  ». Jésus est le Fils de Dieu incarné. Il a pris la nature humaine et, en sa personne, la unit à la nature divine.

En Jésus le Fils ne cesse pas d’être le Fils, cependant, comme le dit saint Paul, il se vide de lui-même. Il quitte le confort du ciel et s’affronte à la réalité humaine jusqu’à la mort, et, ajoute Paul, «  la mort sur la croix  ». Avec Jésus Dieu ne se contente plus de se pencher au balcon du ciel pour voir ce qui se passe sur la terre, mais il descend dans castagne.

Toutes les religions défendent la dignité de la divinité. C’est ainsi que toutes refusent que Dieu et l’homme se mélangent. Ils doivent demeurer distincts et même à distance. On peut dire que les religions sont là pour ça  ! Toutes les religions parlent du «  sacré  », qui s’oppose au profane. Et, bien sûr, il y a la volonté divine qui s’impose et à laquelle on se «  soumet  ».

Au contraire, le christianisme est la religion de la proximité, de l’extrême proximité de Dieu et de l’homme. En fait, si le Fils se fait homme, ce n’est pas simplement pour que Dieu soit proche de l’homme, mais pour que l’homme vive de la vie même de Dieu. Les Pères de l’Eglise disaient : «  Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu  ».

Bien sûr, il faudrait approfondir cela, mais je ne veux pas donner à cette homélie une dimension démesurée. Cependant j’ajoute quelques mots sur l’Eucharistie.

Nous communions au Corps et au Sang du Christ. Mais quelle est la signification  ? Sont-ils seulement une nourriture spirituelle, qui nous donnerait force et courage, qui renforcerait notre propre énergie spirituelle  ? L’Eucharistie est infiniment plus. Elle est mystique  ! Quand je mange du pain et que je bois du vin, je les assimile, ils deviennent moi, quand le mange l’Eucharistie et boit à la Coupe, c’est moi qui suis assimilé au Christ, je deviens ce qu’il est. La phrase est de saint Augustin : «  Tu deviens ce que tu manges, tu deviens ce que tu bois  ».

Frères et sœurs, la nouveauté chrétienne est dans sa radicalité, dans le renversement des piétés de toutes sortes qui, pour respectables qu’elles soient, ne sont qu’attitudes humaines devant la Toute-Puissance divine, toujours écrasante. Par le Christ, nous chrétiens, nous devenons Dieu  ! Amen.