« Vous êtes le sel de la terre, pas le sucre »

8 février 2020

Le sel et le sucre, c’est blanc et c’est fait de tout petits grains, très fins. Ça coule ! Comme le sable et presque comme l’eau. Quand j’étais enfant j’étais fasciné par la ressemblance du sel et du sucre. Et j’avais toujours peur de mettre du sel dans mon café au lait et du sucre sur mon beefsteak ! Et pourtant le sel et le sucre sont très différents. On peut manger du sucre. On ne mange pas le sel. Le sucre ajoute du goût aux aliments. Il joue un rôle essentiel dans les pâtisseries ! Le sel, lui, révèle le goût des aliments dans lequel on le met. Il libère le goût. On pourrait dire que le sel c’est la libèration de l’Egypte et le sucre l’entrée dans la Terre promise, là où coulent « le lait et le miel ».

Quand je développe cette comparaison du sel et du sucre, je m’inspire, en fait, de Bernanos, qui a cette phrase, coupée au couteau : « Jésus a dit que ses disciples sont le sel de la terre, pas le sucre ! » Pourtant il est bon de mettre de la douceur dans les relations humaines, de la tendresse. Et, de fait, j’aime très fort une personne et je lui dis sans relâche : « J’ai pour vous une immense tendresse ». Sans doute Jésus a-t-il raconté, un jour, à ses disciples la parabole du sucre, mais elle a été perdue ! Il nous reste, en tout cas, celle du sel. Et Bernanos a raison, c’est elle qu’il faut commenter.

Le sel ne vaut pas pour lui-même. Je l’ai déjà dit : « On ne mange pas le sel ». Mais on le mêle aux aliments pour qu’il libère leurs goûts. Le meilleur des plats, sans sel, est fade. Sans goût ! Nous les chrétiens nous ne sommes pas faits pour nous-mêmes, mais pour nos frères. Nous sommes faits pour qu’à notre contact ils expriment le meilleur d’eux-mêmes.

Quel est le soin d’une maman ? Que son enfant exprime toutes les richesses qu’il porte ! Chaque enfant a des dons particuliers. Mais, il a besoin de l’amour de ses parents pour qu’ils soient manifestés. Et c’est bien le rôle du papa et de la maman de faire en sorte que l’enfant s’épanouisse.

Je vous raconte une anecdote de mon enfance. Ma mère avait de grands principes éducatifs. L’un d’entre eux était que son fils, son fils unique ! devait faire de la musique. Et de fait j’ai commencé très jeune le piano. Dès l’âge de 7 ans. Cependant, à 8 ans, j’ai arrêté : j’avais atteint la plénitude de mes moyens … Ma mère a dû investir sur d’autres dons !

Autre confidence : cette fois, comme curé. Je peux dire que, comme curé, j’ai de l’ambition. Mais, cette ambition n’est pas pour moi. Qu’est-ce que j’aurais à gagner ? Mais, l’ambition est pour vous ! Pour que chacun de vous libère l’amour qu’il porte dans son cœur, que la foi qui l’habite rayonne et que sa capacité à louer Dieu éclate. Et c’est pourquoi j’essaye de mettre mon grain de sel !

Dans l’évangile d’aujourd’hui, il y a le sel : nous sommes le sel de la terre. Rien de moins ! Mais il y a, aussi, la lumière. Jésus fait de nous « la lumière du monde » ! C’est encore plus fort que le sel. Et Jésus insiste : pas question de faire dans la discrétion. Il faut que la lumière se voit et qu’elle rayonne. On ne met pas la lumière sous le lit, mais sur le chandelier.

Chandelier/chandeleur, mais là ce n’est pas une affaire de crêpes. Cela touche à notre identité la plus profonde : Jésus est le chandelier et nous sommes des chandelles. Le chandelier est splendide et il est hissé très haut : il a la hauteur de la croix ! Et nous sommes de petites et simples chandelles. Mais, même ainsi, si petits que nous soyons, la question est d’être lumière.

Mon frère, ma sœur ! Au jour de ton baptême, tu as reçu la lumière. Tu es devenu porteur de lumière. Tu es « photophore » ! Alors sois sans crainte : que la lumière que tu as reçue brille, qu’elle resplendisse, qu’elle glorifie Dieu auprès des hommes. Et, alors, comme le dit magnifiquement Isaïe, ce qui est ténèbre en toi sera lumière de midi ! Amen.