Fête des Rameaux : Message du Père Doumas

3 avril 2020

Il n’y aura pas de célébration pour Rameaux, la Semaine sainte et Pâques. Il ne faut pas chercher un plan B. Il n’y en a pas ! Par exemple, que signifierait une célébration paroissiale à quelques-uns et qui seraient filmée et diffusée pour les autres ? Qui ferait partie des « quelques-uns » ? Et qui serait atteint par cette diffusion ? S’il y a les problèmes de l’émetteur, pas simples à résoudre, il y a, plus encore, ceux du récepteur. Qui aurait les moyens de capter ?

La meilleure solution, dans ce contexte extrêmement difficile, c’est de suivre le Jour du Seigneur ou bien, pour ceux qui l’ont, KTO. Il est indispensable de penser à ceux qui ne sont pas équipés des moyens de réception informatiques, mais familiarisés avec la télévision. C’est le cas d’un grand nombre de personnes âgées, qui viennent à la messe le dimanche.

Je tiens à souligner la relativité des solutions techniques. La seule réalité est la communion des saints, la prière. Toujours, en fait, c’est là que se jouent nos vies, qu’elles prennent sens ou tombent dans l’absurdité.

Dans ce message, qui se veut un message d’espérance : car l’espérance ne concerne pas seulement le ciel, elle nous invite à vivre nos vies sur la terre ! je voudrais parler, principalement, des rameaux.

Pour nous, c’est évident, les rameaux servent à acclamer Jésus entrant dans Jérusalem. Mais, Luc ignore totalement les rameaux et dans Marc et Matthieu ils servent, comme les manteaux des disciples, à faire une allée d’honneur à Jésus : ils sont jetés au sol. On ne voit pas les disciples les brandir en criant « Hosanna ». Seul Jean semble indiquer un autre geste, le geste d’acclamation qui nous est familier On lit : « La foule nombreuse, qui était venue pour la fête, apprenant que Jésus venait à Jérusalem prit des rameaux de palmiers et sortit au-devant de lui » (Jn 12, 12).

En fait, toute l’insistance du texte, celui des quatre évangélistes, est sur l’ânon, le « petit âne ». Dans le récit synoptique, les disciples le couvrent de leurs manteaux et Jésus s’assoie dessus. Mais, il y a, d’abord, la recherche de l’ânon, avec une mise en scène particulièrement développée chez Marc, et aussi, très importante, dans les quatre évangiles, la citation biblique : « Sois sans crainte, fille de Sion, voici que ton Roi vient, assis sur un petit d’ânesse ».

Jésus est roi, et il entre dans sa ville capitale, Jérusalem. Dans l’Antiquité, cela prenait une ampleur et une signification très forte. On parlait d’« épiphanie ». Mais, Jésus n’est pas monté sur un char à la manière des triomphateurs romains ou sur un cheval richement caparaçonné comme les rois de l’Orient. Il est assis, très humblement, sur un « petit d’âne », simplement recouvert des manteaux de ses disciples, dont nul n’est riche.

C’est cette humilité royale qui fait sens dans cette entrée de Jésus. Et c’est cela qui fait le lien avec la royauté de celui qui va être crucifié. Car, le dimanche des rameaux est aussi le dimanche de la Passion.

Cette année nous lisons les textes de Matthieu. Comme chaque évangéliste, il a, dans son texte de la Passion, ses insistances particulières. Par exemple, il y a trois brefs récits matthéens ignorés par Marc, Luc et Jean. Il y a le remord de Judas et son suicide, l’avertissement de la femme de Pilate qui lui fait dire qu’elle a eu un rêve dans la nuit et que Pilate ne doit pas s’occuper de Jésus et, à la fin du texte, la garde mise au tombeau. Mais, par quantité de détails, Matthieu imprime sa marque sur le récit.

Ces remarques sont une invitation à lire le texte de près. Mais qu’est-ce que nous avons à vivre dans ce dimanche des rameaux où nous sommes « confinés », c’est-à-dire séparés physiquement les uns des autres ? V a-t-on aller dans le jardin, couper une branche d’olivier et trouver sur internet le texte pour la bénir ? Non !

Nous avons à vivre l’humilité. Celle que Jésus révèle par son entrée dans Jérusalem. Certes, nous n’avons pas choisi l’humilité d’un tel dimanche, mais l’enseignement de Jésus nous aide à vivre la réalité à laquelle nous sommes contraints. Le triomphalisme, auquel on a si souvent cédé dans l’histoire chrétienne, n’est pas chrétien ! Et c’est la prière de Marie qui vient sur nos lèvres : « Mon âme exalte le Seigneur, exulte en Dieu mon sauveur, car il s’est penché sur son humble servante ».

Ici, il faut rétablir les choses. L’humilité n’est pas l’humiliation ! L’humiliation, c’est ce que le méchant fait subir aux bons, l’humilité c’est la vérité intérieure du juste et qui, à cause de l’amour de Dieu, chante son action de grâces. Il y a un lien intime et réciprocité entre l’humilité et la joie. La vraie joie est celle du cœur humble, du cœur qui sait la grandeur de Dieu !

Mais, je reviens à nos célébrations ! Je réfléchis à une vigile de Pentecôte, qui existe dans le rituel, mais que nous ne faisons jamais. J’espère bien qu’à la fin du mois de mai il n’y aura plus de problème de pandémie ! Et que dans cette vigile nous baptiserons Julie, qui se prépare au baptême depuis juillet 2018, et que nous pourrons célébrer des confirmations. Nous pourrons donner une grande ampleur à la liturgie de la Parole, comme pour Pâques, mais il est parfaitement imaginable d’intégrer une acclamation avec des rameaux bénis et un lavement des pieds. A Milan, au IVe siècle, saint Ambroise associait toujours le lavement des pieds au baptême dans la nuit de Pâques. Et quand l’évêque de Rome lui disait que cela ne se faisait pas ailleurs il répondait : « Nous aussi, nous sommes doués de raison ! »

Bien des choses du carême vont être vécues au temps pascal. Pourquoi faudrait-t-il être en carême pour vivre une célébration de la Réconciliation ? Simplement, elle ne sera pas suivie d’un bol de riz, mais de quelque chose de plus festif. Confidence : je pense plutôt à de la pizza ou à une bonne pasta qu’à de la choucroute ! De même pour l’acte de solidarité avec le Père Abraham et la soirée sur le Burkina Faso. Au temps pascal, tout autant qu’en carême, elle aura son plein sens. La longueur des jours et le beau temps pourront même ajouter à notre « revanche » sur le sort actuel !

Je vous invite à mûrir cela. Il est vrai que les problèmes de calendrier au mois de mai ne sont pas simples. Le dimanche 31 mai, jour de Pentecôte, il y a la fête des mères et les premières communions ! Mais, si je vous invite à vous projeter sur l’avenir, je vous invite, aussi, à vivre dans la vérité ce que les circonstances nous font vivre : l’humilité de l’ânon. C’est le sens profond des « rameaux ».

Rameaux bénits

Pour information l’église de Courthézon restera ouverte le dimanche 5 avril de 8h à 18h .
Des rameaux bénits seront à disposition des personnes qui en désirent en faisant attention à bien suivre les conseils de gestes barrières et de distance sociale préconisés.