La croix est l’incontournable de la foi chrétienne

15 septembre 2018

Homélie du dimanche 16 septembre 2018

Le passage est bien connu. Au point que les exégètes lui donnent un titre : «  La confession de Césarée  ».

Jésus chemine. Il est aux environs de Césarée, la ville du fils d’Hérode, Philippe. Et il interroge les disciples à son sujet. Il pose la question : «  Au dire des gens, qui suis-je  ?  » On répond : «  Jean Baptiste, Elie …  » On ne sait trop. Jésus est, en fait, perçu comme un prophète. Mais, ce n’est pas cela qui intéresse Jésus. Il n’a cure de ce que pensent les gens. Ce qui importe pour Jésus cest ce que les disciples sont capables de dire : «  Et vous, que dites-vous  ? Pour vous, qui suis-je  ?  » C’est là que Pierre intervient et dit : «  Tu es le Christ  ».

L’affirmation est capitale. Jésus n’est pas un simple prophète. Il est le Christ, le Messie, celui que l’on attendait. Il incarne l’espérance de tout un Peuple, l’espérance d’Israël. Manifestement donc Pierre dit quelque chose d’important. Mais que dit-il réellement  ? Que met-il sous le mot «  Christ  »  ? Il est juste de poser la question. En effet, la suite est surprenante.

Dès ce moment de la confession de Pierre, à peine Pierre a-t-il dit que Jésus est le Christ - qualification glorieuse entre toutes - que Jésus annonce sa passion. Et il insiste : «  Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes et qu’il soit tué  ». Choqué, scandalisé, Pierre prend Jésus à part. Et il lui fait des reproches. L’évangéliste précise de «  vifs reproches  ». Pierre est disciple du Christ, mais pas d’un Christ qui va être humilié et mourir, rejeté par tous. Il ne peut s’agir que d’un Christ glorieux. C’est alors que l’on a une très forte réaction de Jésus. Jésus se retourne - cela veut dire que Pierre lui a parlé dans le dos  ! Et devant tous il l’interpelle avec force : «  Passe derrière-moi, Satan  ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes  ».

Dans ce récit de Marc, le contraste est très fort entre Pierre qui, glorieusement, confesse le Christ et Pierre qui est traité de Satan. Dans l’évangile de Matthieu, c’est encore plus fort, car Jésus vient tout juste de dire à Pierre qu’il est Pierre est que c’est sur cette pierre qu’il va bâtir son Eglise.

La croix est l’incontournable de la foi chrétienne. Au cours des deux mille ans qui nous séparent de Jésus, certains ont voulu éliminer la croix d’une manière ou d’une autre, de manière soft ou de manière violente. Dans l’islam, par exemple, Jésus est un prophète, mais il n’est pas crucifié  ; c’est un autre qui est crucifié à sa place. Généralement on désigne Simon de Cyrène.

Mais la croix ne concerne pas seulement Jésus. Immédiatement après l’algarade avec Pierre : «  Passe derrière moi, Satan  !  », il appelle la foule et il a ces phrases très lourdes de sens : «  Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il porte sa croix et qu’il me suive.  »

Pour bien comprendre ce que Jésus nous dit, il faut écarter ce que nous disons couramment sur nos croix. On dit : «  Tous nous avons nos croix à porter  ». Il peut s’agir de choses très diverses, ordinairement graves, ou très graves, comme une séparation, une maladie ou un deuil. Le trait commun de toutes ces croix est qu’elles nous sont imposées. On ne les choisit pas. Elles pèsent sur nos épaules qui en ont été chargées.

Jésus ne s’exprime pas du tout ainsi. Tout est introduit par le très fort : «  Si quelqu’un veut marcher à ma suite …  ». Si quelqu’un  ! Nul n’est obligé. Suivre Jésus et prendre la croix est un choix. Et c’est conclu, de manière cohérente : «  alors qu’il me suive  !  »
, donc,
Quel est donc l’enseignement de Jésus  ? Que nous dit-il  ? Il nous dit la cohérence de la foi chrétienne. Elle n’est pas une simple confession du Dieu créateur, ni même d’un Dieu qui se révèle et dit son projet de salut. La foi chrétienne est un «  chemin  » : si quelqu’un veut marcher à ma suite et me suivre … C’est une expérience de vie où l’on s’identifie à Jésus au point que sa croix devient la nôtre. Et cette expérience de vie est un choix. La cohérence même du propos de Jésus est liée au fait que marcher à sa suite et le suivre est un choix. C’est un choix personnel et réfléchi. Nul ne peut imposer un tel choix. On décide d’être chrétien  !

Alors, bien sûr, il y a nos croix, ces choses lourdes, parfois très lourdes à porter et que nous n’avons pas choisies, qui nous sont littéralement tombées dessus, mais si le chrétien n’est pas exempt de cela son identité n’est pas là. Elle est dans le fait qu’il choisit Jésus et le suit, lui qui est le Christ confessé par Pierre et qui passe par la mort et qui ressuscite.

Et qui ressuscite  ! AMEN.