La cohérence de la prière

20 octobre 2018

A la demande, plutôt culottée, de Jacques et Jean, qui réclament les premières places, Jésus répond : «  Vous ne savez pas ce que vous demandez.  »

Cette réponse de Jésus m’interpelle. Dans ma prière, je formule de nombreuses demandes, Certaines sont plus générales, certaines plus particulières, certaines véritablement intimes. Et, à vrai dire, ce sont celles-ci qui sont les plus ferventes et les plus fortement formulées. Il serait inconvenant de vous en dire le contenu.

Mais, ce n’est pas le contenu de ma prière qui me fait question, ce que je demande. Car, je ne demande pas n’importe quoi. Quand je demande qu’une personne connaisse le bonheur, le bonheur familial : c’est pour elle cela le bonheur, c’est juste et si je prie beaucoup pour elle c’est très juste. Et je suis sûr que le Seigneur accueille ma prière. Ce n’est pas sur cela qu’il va me dire : «  Tu ne sais pas ce que tu demandes  ».

Jésus ne répond pas simplement aux disciples : «  Vous ne savez pas ce que vous demandez  », il pose une question : «  Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire, être baptisés du baptême dans lequel je vais être plongé.  » Les disciples répondent crânement : «  Nous le pouvons  !  » Alors, Jésus leur annonce leurs martyres.

Cela veut dire que notre prière ne peut pas être une simple demande. Notre prière, si elle est vraiment une prière, implique un authentique engagement. Pour les disciples, cela va jusqu’au martyre. Mais, pour moi, quand je prie pour le bonheur de cette famille, qu’est-ce que je suis réellement prêt à faire pour elle  ?

Il arrive que ce soit lancinant dans mon cœur, quand je me dis : «  Oui, tu pries beaucoup pour eux. Et c’est bien. Mais jusqu’où t’implique ta demande  ? Que ferais-tu véritablement pour eux  ?  » En fait, je crois que je ferai beaucoup. Mais, j’aimerais que le Seigneur me le confirme - comme il dit à Jacques et Jean : «  La coupe que je vais boire, vous la boirez et vous serez baptisés du baptême dans lequel je vais être plongé.  »

Je trouve vraiment très important ce dialogue de Jésus avec les disciples. Pour une part, il nous demande de vérifier le contenu de nos demandes, leur sérieux, leur pertinence : si elles sont «  justes  ». Mais, il nous interroge plus encore sur la vérité de nos intentions.

Je vais prendre un exemple un peu décalé pour bien me faire comprendre. Un jour, j’étais à Orange, je reçois les parents d’un homme qui avait abusé de sa fille de trois ans et qui a été condamné à dix-huit de prison. Les parents venaient me demander s’ils avaient le droit d’aller voir leur fils en prison. En effet, les deux sœurs de ce monsieur avaient dit à leurs parents : «  Si vous allez le voir, vous ne verrez plus vos petits-enfants - leurs enfants à elles.  » La pédophilie de leur fils était déjà terrible pour les parents, mais là c’était la double peine. Ils ne verraient plus leurs petits-enfants.

J’ai répondu : «  Vous n’avez pas le droit d’aller voir votre fils. Vous en avez le devoir  ». Mais, en disant cela, je ne pouvais pas rester en-dehors. Nécessairement je m’engageais. Et, de fait, pendant tout le temps où il a été à la prison du Pontet je suis allé visiter régulièrement leur fils.

La prière est ainsi : elle est une parole qui engage. Elle ne peut pas être seulement verbale. Elle est, aussi, action. J’insiste : cette cohérence de la prière est essentielle.

Je voudrais ajouter ceci. Il arrive que nous prions pour une personne sans être véritablement à même de faire quelque chose pour elle. Pour moi, - je reviens à la personne dont je parlais au début de cette homélie - c’est une véritable souffrance : pouvoir prier, mais sans pouvoir agir. Je peux prier pour son bonheur familial, mais comment pourrais-je intervenir dans sa vie de famille  ?

Je ne crois pas qu’il y ait à cela une solution d’ordre pratique. Mais je crois que cette souffrance : je peux prier, mais je ne peux pas agir, peut être comme un surcroît de prière. Et que cela rend le Seigneur plus attentif, plus généreux.

Je conclus. Prions  ! Prions beaucoup. N’hésitons pas à demander. Mais, ne faisons pas de notre prière une simple formulation de mots. Donnons-lui toute sa cohérence. Amen  !