Homélie du Saint Sacrement

15 juin 2020

En ce dimanche du Saint-Sacrement, en ce dimanche de l’Eucharistie, je voudrais ressaisir les fils décisifs de l’acte eucharistique.

Jésus a réuni ses disciples. Il sait qu’il va mourir. Il sait qu’il vit avec eux son dernier repas. Il est, donc, impératif pour lui d’annoncer sa mort. Plus encore il faut qu’il leur en dise le sens et qu’elle ouvre un avenir. Il fait donc les gestes traditionnels : il rompt le pain, il fait circuler la coupe. De même il prononce les paroles, traditionnelles elles aussi, de l’action de grâces : sur le pain et sur la coupe. Il n’a pas été nécessaire que les évangiles nous les conservent. Tous les Juifs les connaissent par cœur. Mais, inscrites sur ce fond de tradition ancestrale, Jésus prononce des paroles absolument neuves, totalement inouies : Ceci est mon corps livré pour vous, ceci est mon sang versé pour vous.

Il précise : « Vous ferez cela en mémoire de moi ». C’était bien nécessaire ! Les disciples ont entendu, ont mémorisé - mais ils n’ont rien compris. Cela viendra plus tard : quand Jésus, relevé de la mort, ressuscité, aura soufflé sur eux et donné l’Esprit Saint.

Alors, quand ils se réuniront, ils se réuniront pour le Repas du Seigneur, pour la Fraction du pain. Et, irrésistiblement, quand Pierre, présidant la communauté des disciples, fera les gestes traditionnels du repas et prononcera l’action de grâces, il prononcera, à son tour, les paroles de Jésus. Elles lui viendront du plus profond de sa mémoire, de l’intime du cœur - de ce « lieu » secret et inviolable, où au soir de la Cène elles se sont inscrites indélébilement.

Pierre s’émerveille des paroles qu’il prononce ; elles lui viennent du profond de son cœur. Mais, elles sont, aussi, don de l’Esprit saint - la liturgie parlera d’épiclèse ! Plus encore : il en fait l’expérience ! Jésus est là. Non pas d’une présence passive, en simple témoin. Mais, c’est lui l’Acteur véritable de cette Fraction du Pain, c’est lui le Ressuscité qui parle et qui agit. La théologie dira en jour que le prêtre agit in persona Christi.

Pierre et les apôtres, et aussi les disciples qui sont là avec eux, entrent dans le Mystère. Ce pain et ce vin qu’ils ont offerts en action de grâces, ce n’est plus du pain, du vin ; ils sont Corps et Sang du Christ, qui s’offre pour le salut du monde. Et, donc, tout cela n’est pas un simple acte humain de mémoire. C’est le sacrifice du Christ qui se réalise, qui devient réalité au milieu d’eux. En toute vérité, le Christ les entraîne vers le Père. Comme le Pasteur qui prend la brebis sur ses épaules et la conduit à la bergerie du Père, le Christ, qui a pris sur ses épaules la croix de la Passion, les fait entrer dans le salut !

Frères et sœurs, c’est cela que, nous aussi, nous vivons. Quand nous célébrons l’Eucharistie, nous offrons, en Eglise, le sacrifice du Christ. Mais, de même qu’en mangeant son Corps, nous devenons son Corps, en offrant son sacrifice, nous sommes offerts en sacrifice !

Entrons dans ce Mystère ! Laissons-nous saisir par le Christ, qui nous offre au Père !

En mangeant, en buvant, nous ne recevons pas seulement une nourriture spirituelle. L’Eucharistie est bien plus que cela ! En recevant le Corps et le Sang du Seigneur, nous sommes associés, par l’intime de nous-mêmes, à son sacrifice qui sauve le monde. Littéralement nous communions à l’acte du salut.

Nous répondrons « Amen » quand nous sera présenté le Corps du Christ mais, auparavant, le prêtre aura élevé le pain et le vin eucharistiques, il nous aura dit : « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » et nous aurons répondu tous ensemble : « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri. » Car, en toute vérité, frères et sœurs, nous communions à l’Agneau immolé et il nous guérit de tout péché en nous donnant au Père ! Je le répète donc : laissons-nous saisir par le Christ, entrons dans le salut !