Homélie du Père Doumas

18 juillet 2020

Homélie du dimanche 19 juillet 2020

L’homme qui a semé le bon grain est aisément identifié à Dieu. L’ennemi de Dieu, on dira en hébreu « le Satan », intervient de nuit, « pendant que les gens dormaient », c’est-à-dire secrètement et même, sournoisement. Il ajoute l’ivraie, la mauvaise graine.

Il faut relever le détail fourni par la parabole : « Il sema de l’ivraie au milieu du blé et s’en alla ». Il s’en va ! C’est-à-dire qu’une fois commis le forfait il laisse faire, il n’agit plus.

Le bon grain et l’ivraie poussent et apparaissent en même temps et les serviteurs font le constat : « Seigneur, n’est-ce pas du bon grain que tu as semé dans ton champ ? D’où vient donc qu’il y a de l’ivraie ? » Les serviteurs s’étonnent - probablement, ce sont eux qui ont fait les semailles, pas le maître lui-même. L’explication est donnée par le maître : « C’est un ennemi qui a fait cela. » Tout de suite le maître comprend le geste malveillant de l’ennemi.

Alors, spontanément, les serviteurs lui disent : « Veux-tu donc que nous enlevions l’ivraie ? » Mais, le maître répond : « Non, en enlevant l’ivraie vous risquez d’arracher le blé en même temps ». Et il renvoie le tri au temps de la moisson. Il dira aux moissonneurs : « Enlevez d’abord l’ivraie, liez-la en bottes pour la brûler, quant au blé, ramassez-le pour le rentrer dans mon grenier. »

Ici, aussi, notons un détail : les moissonneurs ne sont pas les serviteurs qui ont semé.

On pourrait faire une interprétation très globale de cette parabole. L’idée serait que Dieu a semé, que l’ennemi a mis l’ivraie, et que les choses suivent leur cours jusqu’à la fin sans plus aucune intervention ni de Dieu : il interdit aux serviteurs d’enlever l’ivraie, ni de l’ennemi : il est dit qu’il s’en alla. Mais, on ne peut comprendre les choses ainsi : en vérité, pas plus Dieu que l’ennemi ne laissent faire. Sans cesse l’un et l’autre interviennent dans l’histoire des hommes. Dieu, par le Christ, envoie son Esprit Saint, qui n’a pas le défaut d’être paresseux !

Il faut bien repérer la « pointe » de la parabole. La pointe de la parabole est dans la réponse du maître : « en enlevant l’ivraie, vous risquez d’arracher le blé en même temps ». En fait ce qui importe, c’est que le blé pousse intact, sans être en rien abimé. A ce propos il faut souligner que rien dans la parabole ne dit que l’ivraie empêche la bonne graine de pousser.

En un mot, la parabole nous dit : ce qui importe, c’est la bonne graine. Peu importe l’ivraie ! On aura bien le temps de s’en occuper : à la fin !

Pour illustrer cela, je me permets de vous raconter une parabole de mon cru.

Du côté de ma mère, on est lozériens, de la haute Lozère. Ma tante, qui était aussi ma marraine, y avait conservé une propriété, une maison, comme on en a construit au XIXe siècle dans ces régions extrêmement froides : vraiment un lieu étonnant ! Autour de la maison, il y avait un bon nombre d’hectares. Au départ c’était des près, mais, ils ont été abandonnés. En fait, pas tout à fait : mon oncle y a planté des sapins. A l’approche de mon ordination comme diacre, j’avais demandé à ma tante de me prêter pour une semaine sa maison. Je désirais un temps de solitude solitaire ! C’était le printemps et, tout naturellement, je faisais de grandes promenades. Et j’ai été frappé par un phénomène bien singulier. Il y avait des endroits avec d’immenses genêts et à côté des petits sapins et ailleurs c’étaient l’inverse : des sapins déjà grands et des genêts tout morts, leurs branches noircies. On n’avait pas pris la précaution d’arracher les genêts pour planter les sapins. En fait, on savait que les genêts ne gêneraient pas la croissance des sapins et qu’en grandissant les sapins feraient claquer les genêts. Et cela m’a fait penser à la parabole du bon grain et de l’ivraie.

Ce qui importe, c’est la bonne graine. Qu’on la laisse grandir et elle l’emportera sur la mauvaise. Ce n’est pas une question de paresse, mais de confiance : le bien est plus fort que le mal.

Il y a eu toute une religion obsédée par le péché. Il fallait, sans cesse lutter contre le mal, surveiller la moindre peccadille pour qu’elle ne devienne pas un péché mortel. Mais, cette religion-là n’est pas celle de l’évangile. L’évangile nous dit : faites croître en vous le bien, donnez-lui les meilleures conditions pour qu’il se développe et il éliminera de vos cœurs le péché. Le courage éliminera la peur, la vérité éliminera le mensonge, la douceur éliminera la colère, l’humilité éliminera l’orgueil, la générosité éliminera l’égoïsme, l’amour éliminera la haine. Laissez pénétrer au profond de vous l’Esprit Saint et il chassera le malin, l’esprit tordu et vicieux.

Oui, frères et sœurs, le Seigneur a semé en nos cœurs la bonne graine. Ne nous préoccupons pas de l’ivraie. Elle sera éliminée en son temps !