Homélie du Père Doumas

23 mai 2020

Il y a eu la Cène, avec, dans saint Jean, le lavement des pieds et le départ de Judas. Puis, toujours dans saint Jean, les adieux de Jésus aux disciples. Cela couvre les chapitres 13 à 16, donc quatre chapitres. Ensuite, Jésus quitte Jérusalem pour aller au mont des oliviers, où il sera arrêté. Mais, cette séquence se conclut par une longue prière de Jésus, tout le chapitre 17 - dont nous venons de lire les premiers versets. L’évangéliste souligne l’intensité de cette prière : « Jésus leva les yeux au ciel et dit : Père, l’heure est venue ».

Cette « heure », évoquée tout au long de l’évangile, qui est le temps des « signes », est le passage de Jésus au Père. Elle inclut, en un seul événement et un seul mystère, sa Passion et sa Résurrection. Et saint Jean interprète l’Heure comme la « glorification » du Père par le Fils et du Fils par le Père. Le Fils réalise la volonté du Père et le Père l’accueille et comme dit le passage que nous avons lu « lui donne pouvoir sur tout être de chair ». Mais, l’insistance porte sur la vie éternelle donnée aux disciples. Jésus prie en disant de lui-même : « Comme tu lui as donné pouvoir sur tout être de chair, il donnera la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés ».

Toute la prière exprime le lien entre Jésus et ses disciples. Il est même dit : « Moi, je prie pour eux. Ce n’est pas pour le monde que je prie, mais pour ceux que tu m’as donnés ». Et plus loin Jésus dit : « Je suis glorifié en eux ».

Frères et sœurs, ne tirons de cela ni orgueil ni suffisance, mais vivons pleinement le don qui nous est fait, d’être donnés par le Père au Fils ! Nous étions au Père - Jésus dit : « Ils sont à toi » - mais, maintenant, donnés par le Père à Jésus, nous sommes disciples de Jésus. Plus haut Jésus leur a dit : « Je ne vous appelle plus serviteurs, mais amis. » Par le Père, nous sommes amis de Jésus !

Il arrive que, pendant un temps, des amis soient séparés. Mais, tout leur désir est de se retrouver et les retrouvailles sont une fête. L’amitié se vit dans la rencontre et la présence. C’est ce que nous vivons en ce moment même ! Mais, dans la suite de la dure expérience que nous avons vécue avec le confinement, je vous invite à une réflexion sur la « présence ».

Jeudi, le jour de l’Ascension, j’ai revu des amis, avec lesquels, pendant le confinement, j’ai été réellement en contact, en particulier nous avons pratiqué des « visio ». C’est un moyen qui jusque-là était peu utilisé, mais qui s’est révélé très heureux. Mais, le soir de nos retrouvailles, je leur ai écrit : « J’ai préféré vous voir plutôt que vous visionner ! »

Rien ne remplace la présence. Mais ce qui est vrai pour les relations humaines est bien plus vrai quand il s’agit de Dieu. Dieu est présent ! Il est présent partout, sans cesse. Et il n’est pas seulement là, posé ici et là, dans chaque repli de sa création. Il n’est pas une chose ! Il est présent et sa présence est active, sa présence est invitation à la relation. Car, la présence est porteuse, par elle-même, de relation. Cependant, et ce point est capital, la présence de Dieu n’est pas égale, elle est d’intensité très variable et toujours singulière. Par la révélation biblique, Dieu s’est fait présent au peuple d’Israël d’une présence différente de celle donnée aux autres peuples. Cela ne veut pas dire que Dieu était absent aux nations, mais que sa présence à Israël est singulière.

Cette diversité d’intensité de la présence se vit dans nos relations humaines. Monsieur et Madame sont présents l’un à l’autre quand l’un fait le jardin et l’autre la cuisine, mais c’est autre chose lorsqu’ils sont ensemble dans un repas ou pour un spectacle. Et c’est encore une autre présence dans l’union conjugale. Ainsi, Dieu est présent dans la nature, dans cet arbre magnifique ou dans le chant de la tourterelle, mais il est tout autrement présent dans le cœur de l’homme et dans le cœur de chaque homme sa présence est infiniment variée. Et, de même il est présent de manière différente dans la Parole de Dieu et dans l’Eucharistie. Ce n’est pas la même présence. La présence eucharistique est la présence extrême de Dieu en notre monde. C’est ainsi que nous parlons de « présence réelle ». Lorsque Dieu investit ce pain et ce vin de sa présence, elle est si forte qu’ils deviennent le Corps et le Sang du Christ.

Toute notre vie spirituelle est expérience de la présence de Dieu. Toujours, en toute chose, il est présent, mais il varie sa présence et nous invite ainsi à vivre de manière variée et permanente notre présence à lui. Car, comme je l’ai déjà dit, la présence est porteuse de relation. Et la question pour chacun de nous est celle-ci : « Dieu est présent dans ma vie, dans mon cœur, mais, comment, moi, suis-je présent à lui ? » Car, si Dieu est fidèlement présent, l’homme se rend facilement absent !

Je vous invite, frères et sœurs, à vivre pleinement la présence de Dieu en étant pleinement présents à lui. Je vous invite aussi à parler de cette réalité de la présence auprès de ceux qui doutent ou ignorent Dieu. Car, ne pas croire, c’est tout simplement ignorer cette réalité décisive et permanente de la présence de Dieu.