Homélie du Père Doumas

2 mai 2020

Homélie du dimanche 3 mai 2020

Quatrième dimanche de Pâques

Nous lisons, ce dimanche, la parabole du Bon Pasteur dans l’évangile de saint Jean. Elle se trouve presque au terme des « controverses », qui constitue le ministère de Jésus à Jérusalem. Et, de fait, le ton est polémique. Jésus commence par dénoncer « celui qui entre dans l’enclos des brebis sans passer par la porte ». Puis, dans un second développement où il s’identifie, cette fois, à la porte : « Je suis la porte des brebis », il déclare de manière virulente : « Tous ceux qui sont venus avant moi sont des voleurs et des bandits, mais les brebis ne les ont pas écoutés. » A vrai dire, on ne voit pas bien qui Jésus dénonce ainsi. Ni Moïse, ni les prophètes, bien sûr ! Sans doute les prétendants prophètes, les prétendus messies. Il y en a eu. Et, n’hésitons pas à le dire, il y en a encore ! Mais, plutôt que d’explorer cette veine polémique du texte je voudrais souligner les aspects positifs, qui l’emportent largement et sont très forts.

Les brebis écoutent la voix du Pasteur. Elles connaissent sa voix. Lui seul a cette voix ! C’est la sienne, unique, et qui ne se confond avec aucune autre. Mais, surtout, « il les appelle chacune par son nom ». Souvent, quand je présente le baptême, je fais cette catéchèse : « On ne dit jamais Je te baptise au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. Jamais on ne dit ça. Jamais ! On dit toujours : Jérémie, je te baptise au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit ou bien : Louise, je te baptise au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. » Le nom, qui est devenu le « prénom », mais qui est le nom du baptême, est essentiel à la formule sacramentelle. Dans l’évangile de Jean, au début du récit, André conduit Simon, son frère, à Jésus. Et, de cette première rencontre de Jésus et de Pierre, l’évangéliste ne rapporte rien d’autre que ceci : « Fixant son regard sur lui, Jésus dit : Tu es Simon, le fils de Jean ; tu seras appelé Céphas - ce qui veut dire Pierre. » Ce changement de nom dit l’intimité de Jésus avec son disciple et d’une certaine manière Jésus change notre nom lorsqu’il fait de nous ses disciples. C’est ce qui se passe au baptême : Jérémie, Louise …

Jésus développe l’image en disant : « Si quelqu’un entre en passant par moi, il pourra entrer et il pourra sortir. » Il pourra entrer, il pourra sortir : tous les mouvements sont possibles, les entrées et les sorties, les allées et les venues. On ira où l’on voudra, mais que l’on entre ou que l’on sorte, on passera par l’unique porte, qui est Jésus. Il y a un berger et des brebis, mais il n’y a pas de chien ! De même à la porte il n’y a pas de guichet. On entre et on sort librement. Ni sens obligatoire, ni sens interdit. Encore moins un stop ou un feu rouge ! Je voudrais insister sur cette liberté. La liberté est, sans doute, plus encore que l’amour ce qui est travesti dans notre monde.

La liberté, très souvent, est simplement définie comme ce que je ressens de manière très immédiate et superficielle. Les américains ont une expression qui dit très bien cela : as you like. On ne traduira pas « comme tu aimes », mais « comme il te plaît ! » Et on est d’autant plus libre que, bien sûr, on ne fait pas comme les autres. Je ne peux exister qu’en me démarquant. La transgression devient l’idéal de la liberté. On pourrait longuement prolonger la description tant ce comportement est aujourd’hui répandu.

En réalité, être libre, c’est vouloir ! Et vouloir ce n’est pas immédiat et sans réflexion. Pour vouloir, il faut réfléchir, prendre de la distance avec soi et avec les autres, avec la situation. Alors, on choisira. Souvent ce ne sera pas un choix facile à faire et à tenir, mais ce sera construit et solide. Même dans notre société transgressive, on respecte toujours plus ceux qui tiennent leurs engagements que ceux qui les renient. Dans l’amitié, la fidélité à la parole donnée est décisive. La liberté est un pacte de fidélité. Mais la liberté chrétienne ne s’enracine pas seulement dans la tradition philosophique de l’engagement. En fait, comme la parabole le montre, la liberté chrétienne, c’est répondre à la voix du berger. Et, donc, déjà, la connaître. Si nous voulons être libres, il nous faut écouter la voix du berger et savoir la reconnaître, pour lui dire : « Tu es mon berger » et le suivre quand il passera devant.

La vocation est l’expérience la plus profonde de la liberté. Le Seigneur m’a appelé personnellement, il m’a appelé par mon nom et il m’a dit : « Suis-moi ». Il faudra, pour que je l’écoute et que je le suive, être délié de ce qui me lie, de ce qui me tient, de ce qui m’emprisonne. Toutes mes fausses libertés ! Cela vaut pour la vocation des prêtres et des consacrés, mais cela vaut, tout autant, dans le mariage. Car, se marier c’est dire à l’autre : « Je suis quelqu’un de très égoïste, mais pour t’aimer j’ai confiance dans le Seigneur, qui me donne son amour, sa capacité d’aimer ! » Il n’y a pas d’amour sans l’intimité avec le Christ et sans l’humilité du cœur. Et c’est cela l’amour libre ! Frères et sœurs, écoutons la voix du Pasteur, marchons à sa suite et il fera de nous des hommes et des femmes libres !