Homélie 50e anniversaire de mariage de Hubert et Hélène et de Robert et Christine

23 décembre 2019

Homélie pour Hélène et Hubert et Christine et Robert

L’évangile ne précise pas si Jésus est venu à Béthanie avec les Douze ou seul. Si c’était avec les Douze, Marthe a eu, évidemment, beaucoup de travail. Des gens comme Jacques et Jean, les fils de Zébédée, les « fils du tonnerre », devaient avoir un gros appétit. Et, de toutes manières, treize personnes, plus elle et sa sœur, ça fait beaucoup. Les paroissiens de Courthézon font des repas avec beaucoup d’invités et qui durent jusqu’à quatre heures de l’après-midi, des repas qui sont excellents et très abondants, mais Marthe est seule, puisque sa sœur ne l’aide pas. Cependant, il semble bien que Jésus était sans les Douze. Et, du coup, avec des pâtes et un steak haché on s’en sort facilement. C’est ce que je fais souvent !

Ma conclusion est donc que si Marthe a eu du travail : elle dû vouloir régaler Jésus avec une choucroute ou une paëlla, ou, peut-être une daube provençale, on ne sait pas ! ce ne devait tout de même pas être énorme. D’ailleurs, il y a des choses qu’on peut préparer la veille. Mais, là aussi, on ne sait pas si Jésus est venu annoncé à l’avance ou impromptu !

Donc, quand Marthe vient faire la leçon à Jésus - car elle lui fait la leçon : « Tu devrais dire à ma sœur de m’aider ! » - ce n’est pas parce qu’elle est débordée. C’est, en fait, un réflexe de dépit : je travaille et ma soeur ne fait rien !

Marthe était certainement l’aînée et ce ne devait pas être la première fois que la petite dernière ne mettait pas la main à la pâte. Les parents ont dû avoir dans cette affaire une lourde responsabilité. Mais, cette fois, c’est trop ! Marthe éclate et ça tombe sur Jésus.

Jésus, lui, est assis et Marie est assise, elle aussi : à ses pieds. Elle l’écoute. Sans doute le regarde-t-elle intensément et elle boit ses paroles. Son beau visage - je suis sûr que Marie était jolie fille ! - son beau visage en est illuminé. Et cela touche Jésus. Il a du bonheur à être écouté ainsi. Pour lui, c’est un très bon moment.

Et Marthe, avec son algarade, vient gâcher cela ! Pourtant, Jésus ne se met pas en colère. C’est avec beaucoup de gentillesse, avec tendresse même, qu’il s’adresse à Marthe. Il l’appelle par son prénom. Deux fois ! « Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et du t’agites pour bien des choses ». Et c’est, sans doute avec beaucoup de douceur qu’il ajoute : « Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée. »

Le texte d’évangile s’interrompt ici. On ne connaît pas la suite. Marthe s’est-elle offusquée ? Doit-on l’imaginer les mains sur les hanches, hochant la tête et repartant à la cuisine en claquant la porte ? Ou bien, au contraire, s’est-elle assise à côté de sa sœur pour écouter Jésus à son tour ? Si ça a été la deuxième solution, le repas a dû être quelque peu roussi ! Mais, pour Jésus, ça n’avait pas d’importance. Marie, elle, n’a sans doute rien dit. Elle a simplement dû rougir de plaisir. Pour elle, la parole de Jésus était un compliment ! Un merveilleux compliment.

Je vous avoue, donc, ma perplexité. Que s’est-il passé après la parole de Jésus à Marthe ? Je ne sais pas. Je n’ai qu’une certitude : Jésus et Marie ont aidé Marthe à faire la vaisselle !

Ce texte, si simple et délicieux, est aussi un grand texte, un texte de référence majeur pour la vie chrétienne. Il nous dit avec délicatesse et humour l’équilibre de la vie chrétienne, ce qui est au premier plan et ce qui est au second plan. Et il dit, ainsi, beaucoup sur la vie du couple chrétien.

Aujourd’hui bien des couples s’associent et s’organisent comme s’organise une entreprise. On définit avec rigueur les tâches de chacun, on programme l’aménagement de l’appartement, on prévoit les voyages à l’étranger, on discute de l’achat de la nouvelle voiture, on choisit les loisirs et les vacances des enfants, on vérifie sur le calendrier la visite à la belle-mère … Comme dit Jésus à Marthe : on s’agite pour bien des « choses ».

A vrai dire, ces choses-là sont nécessaires. Il faut bien s’occuper des enfants et de l’appartement, des vacances et de la belle-mère. Marthe avait sa part de vérité : il a bien fallu faire manger Jésus ! Mais, le vrai nécessaire est ailleurs.

Un autre passage évangélique, très poétique celui-là, exprime la même chose. Jésus dit : « Regardez les oiseaux du ciel, ils ne cultivent pas, regardez les lys des champs, ils ne tissent pas ! » Et il ajoute : « Ne vous faites pas de souci ! », en précisant : ni pour la nourriture, ni pour le vêtement.

Oui, il y a ce qui est nécessaire : manger et se nourrir. Mais, il ne faut pas confondre le nécessaire et l’essentiel. Le nécessaire, parce qu’il est nécessaire, vient toujours : nécessairement ! Mais, l’essentiel, lui, peut être négligé. Et, là, c’est grave.

L’essentiel, c’est l’amour ! L’amour reçu et donné, l’amour inspiré, l’amour qui vient d’en-haut, l’amour qui vient de Dieu. Il unit l’homme et la femme et fait de la chair l’expression de l’essentiel.

C’est le choix que vous avez fait. Dans la fidélité de la longue durée : cinquante ans, c’est de la longue durée ! mais aussi dans le quotidien des jours. Car, l’essentiel ne relève pas des idées, de la théorie ou du savoir, encore moins du pouvoir, l’essentiel se vit dans la douceur active du quotidien. L’essentiel, c’est Jésus qui parle et Marie qui écoute. C’est ainsi qu’un couple vit l’essentiel : en se parlant et en s’écoutant.

Hélène et Hubert, Christine et Robert le grand vœu que nous faisons pour vous est que dans les cinquante ans à venir vous viviez cet essentiel, celui qui vient de la Parole de Jésus, celui que Marie a choisi. Et c’est ainsi que Jésus vous donnera le bonheur. Amen.