Les béatitudes dans St Luc, un choc !

16 février 2019

Homélie du 17 février 2019

Marc et Jean ont des formules de béatitude, par exemple : « Heureux ceux qui croiront sans avoir vu », mais ils n’ont pas, comme Matthieu et Luc, une liste de béatitudes. Les deux listes de Matthieu et de Luc sont proches, mais avec de grandes différences. Celle de Luc est bien plus courte et elle vise - c’est le mot : Jésus a ses cibles ! - elle vise les riches et les repus, ceux qui profitent, car la liste est doublée d’une liste de malédiction.

Nous sommes, sans doute, plus à l’aise avec les béatitudes de Matthieu : « Heureux les pauvres de cœur, heureux les coeurs purs … » Beaucoup d’entre nous vont dire que Jésus parle comme Olivier Bezancenot ! En fait, dans Luc, les béatitudes annoncent un renversement : ceux qui vivent difficilement dans ce monde seront consolés et comblés dans le Royaume de Dieu.

L’enseignement de Jésus est que la pauvreté et la faim, que la souffrance : « vous qui pleurez maintenant » sont des maux, qu’il faut combattre. Car, il ne s’agit pas seulement de ce que Dieu fera demain : dans longtemps ! mais il s’agit d’aujourd’hui et de nous. Dans son évangile, Luc insiste sur le soin des pauvres. C’est lui qui nous a transmis la parabole du bon samaritain. Le blessé est là, sur la route et c’est maintenant qu’il faut s’en occuper !

Ce que Dieu fera doit s’inscrire dans ce que nous faisons. L’espérance que nous mettons dans l’action de Dieu vaut engagement dans le concret de nos vies.

Le mot pitié s’est beaucoup dévalué. Quand on dit à quelqu’un : « Tu me fais pitié », ce n’est pas un compliment ! Ni un soutien. C’est une formule qui enfonce plus qu’elle ne relève.

Je fais ici une parenthèse. Il n’est pas négligeable que nous soyons attentifs à l’usure des mots. On dit « garçon » comme diminutif de « gars ». Mais « gars » a son équivalent féminin : « garce ». Aujourd’hui ce mot-là est très dévalué, mais au XVI° siècle on priait la Vierge Marie en l’appelant « sainte garce ».

Donc le mot « pitié » est très dévalué. Il est remplacé, en fait, par « compassion ». Le mot signifie « : Je suis avec toi dans ta souffrance, je suis proche de toi. Ta souffrance est la mienne ».

Frères et sœurs, Dieu est ainsi ! Il ne se contente pas d’un constat : sur la terre, il y a des pauvres et des affamés, sur la terre il y a des gens qui souffrent dans leurs corps et dans leurs cœurs. Il est rempli de compassion, il est toute compassion et il veut que les choses changent et il y travaille.

Mais comment Dieu travaille-t-il ? Difficile pour lui d’augmenter le smic et les retraites, difficile pour lui de préserver l’hôpital public et la sécurité routière, difficile pour lui de développer l’économie sans favoriser les riches. Et comment va-t-il préserver la planète : « Dieu vit que cela était très bon » ? Se pose-t-il la question : la taxe carbone est-elle un bon moyen ?

Et il y a tant de questions de ce genre ! Mais, Dieu ne donne pas de réponses à ces questions. Il inspire le cœur de l’homme, il met dans le cœur de l’homme l’amour et le sens de la justice. En vérité, il travaille beaucoup, mais beaucoup l’ont mis au chômage !

Un passage comme celui que nous venons d’entendre, ces béatitudes recensées par Luc, doivent nous stimuler. Réfléchir, débattre, proposer des solutions, voilà notre tâche. Appliquons-y notre intelligence, mais laissons-nous inspirer par ce que le Seigneur met dans le cœur de l’homme, l’amour et le sens de la justice.