Homélie

31 août 2020

Dans le passage que nous venons de lire, Jésus a cette phrase : « Celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la trouvera. » Il faudrait, sans doute, faire un commentaire proprement évangélique de ce texte, mais je vous propose de prendre les choses plus en amont et de nous interroger sur ce qu’est la vie.

Pour beaucoup d’entre nous, la vie est une longue histoire, commencée il y a plusieurs décennies. Pour d’autres, c’est un peu moins ancien. Mais, quel que soit l’âge, nous avons un passé et nous projetons sur un avenir.

Il y a le passé de l’enfance. Ce passé-là est toujours lointain, mais en même temps très présent. Il a pu être très heureux - c’est mon cas – ou plus difficile. Certains ont connu des difficultés familiales ou la perte d’un parent ou d’un frère ou d’une sœur. Il a pu y avoir des choses difficiles à vivre, comme les déménagements fréquents liés à la profession du papa. Par ailleurs, il y a eu l’école et les camarades de classe. L’enfance a été le temps du jeu ! Cela a pu être, aussi, un moment privilégié dans la relation avec un animal.

Pour moi, l’enfance, c’est le terreau où l’on prend racine. Chacun de nous intègre son enfance à sa vie d’adulte de manière particulière. On peut aimer y repenser ou au contraire en chasser l’idée et les images. Mais, quoiqu’il en soit, elle décisive. Nos choix ont, alors, été très spontanés, assez peu réfléchis. Mais, ils ont donné une orientation décisive à notre existence. Je crois que dans l’enfance on peut faire le choix du bonheur et que cela a par la suite des conséquences très concrètes.

L’adolescence, c’est le temps des remises en question. Chaque enfant a comme une grande caisse, qu’il remplit, tout au long de l’enfance, de toutes sortes de choses, qui lui viennent principalement de ses parents. Et à l’adolescence il renverse la caisse ! Alors commence le tri. Il va garder ceci et mettre définitivement à l’écart cela. J’ai pu avoir des adhésions fortes dans l’enfance qui vont structurer toute ma vie, mais il y en a d’autres que j’ai éliminé à l’adolescence. Ce temps de l’adolescence n’est pas un temps de malheur, mais ce n’est pas un moment facile. Pour l’adolescent et pour ses parents !

On devient un adolescent et puis un grand adolescent. Il y a le passage du collège au lycée. Et on devient un jeune homme ou une jeune fille. Au cours de ces années on découvre les puissances qui animent notre corps, la sexualité, mais pas seulement, et l’on fait des découvertes intellectuelles majeures. Personnellement je conserve le souvenir ébloui de la littérature en seconde et de la philosophie en terminale. C’est, aussi, un moment décisif dans nos amitiés.

Ma mère avait voulu célébrer mes vingt ans. J’éprouve encore de la reconnaissance pour ses bonnes intentions. Mais, vingt ans est, je crois, l’âge le plus difficile de la vie. Il est bien rare que des choix d’avenir soient déjà faits - peut-être celui des études, mais tout reste incertain et problématique. On éprouve de l’ambition, mais aussi beaucoup de doutes. On peut connaître la passion amoureuse, mais rien n’est alors décidé.

Généralement c’est entre 20 et 30 ans que se font les choix décisifs. On devient véritablement un adulte, un homme ou une femme, qui commence à assumer réellement sa vie. Il y a, le plus souvent, le choix du mariage et il y a aura les enfants. Et puis, bientôt, bien plus vite qu’on ne le pense alors, vient la quarantaine, puis la cinquantaine et ça ne s’arrête pas ! Quand j’avais dix ans, j’étais fier, le jour de mon anniversaire, d’avoir une année de plus. Aujourd’hui, je ne prends plus tout à fait les choses ainsi !

Cette description rapide, et un peu sommaire, débouche sur une question : avons-nous une vie ? Ou plusieurs ? Dans quelle mesure notre vie forme un tout, un ensemble ? Où, bien sûr, les événements se sont succédés, mais en s’enchainant et en constituant une continuité ? Ou, à l’inverse, y a-t-il eu des ruptures très profondes, voire des cassures, avec un après complétement différent de l’avant ?

Avons-nous le sentiment d’une inspiration fondamentale ? D’une véritable cohérence ? Faisons-nous l’expérience d’un approfondissement ? De quelque chose qui s’est construit et qui progressivement a pris sens ? Ou bien notre vie est-elle à l’état d’un puzzle éclaté ? Avec des remises en question, positives ou négatives, mais nombreuses et qui ont été difficiles à vivre et font qu’aujourd’hui encore je marche à tâtons, avec hésitation et prudence ?

Il est bon de se poser ces questions. Peut-être pas tous les matins, mais à des moments-clefs de nos existences. Et, là, dans ce contexte-là, poser la question de notre relation avec le Seigneur. Il ne peut pas être un personnage marginal, secondaire, dans ma vie. Certes, il peut avoir une place plus ou moins centrale. Son évangile n’a pu être qu’une référence assez lointaine ou, au contraire, une très forte source d’inspiration. Mais, il m’interroge et son interrogation est directe. Il n’impose pas les choix, mais il impose de choisir !

Il faudrait, vous le sentez bien, aller très loin dans cette réflexion. Mais, j’abrège pour conclure.

Je résume par une seule question : dans quelle mesure ma vie, depuis mon enfance et mon adolescence, depuis ma jeunesse et les choix de vie que j’ai fait, dans quelle mesure ma vie, telle que je peux aujourd’hui la « contempler », est-elle unifiée par la foi, par la « suivance » de Jésus ? Dans quelle mesure ma vie est-elle unifiée par le choix d’être disciple de Jésus ?

Généralement le silence qui suit l’homélie est assez bref. Aujourd’hui, nous allons le prolonger un peu. Que chacun fasse réellement l’effort de répondre à la question ! Quelle unité ma vie trouve-t-elle par la foi en Jésus ? Amen ! Amen !