Edito du père Doumas : faire la paix et réconcilier

2 janvier 2023

Editorial : faire la paix et réconcilier !

Les souhaits de bonne année sont joie et paix. Ils sont, ainsi, désir de réconciliation. Car, dans le monde, la guerre fait rage. Et sur notre continent, l’Europe ! Comment ne pas désirer que la paix revienne en Ukraine en 2023 ? Et qu’un processus, nécessairement très long, s’amorce entre les peuples ukrainien et russe ? Il y faudra de la volonté et solliciter : c’est notre rôle ! l’aide du Prince de la Paix. Souhaitons-nous paix et joie et prions pour la paix.

Dans notre communauté, aussi, et dans nos familles, nous avons besoin de paix et, nécessairement, cela passe par la réconciliation, où l’on reconnaît ses torts et on accueille l’autre dans son désir de paix. Depuis toujours les séparations de couples ont été sources de souffrance. Mais, ces dernières décennies, elles se sont multipliées. Et c’est toujours douloureux.

L’Eglise a une conception très particulière du mariage. Il n’est pas pour elle seulement un contrat par lequel on se met d’accord sur des obligations réciproques. Certes, le mariage civil ou le mariage musulman ont de la valeur, mais, pour la République française comme pour l’islam, cela n’est qu’un contrat, qui donc peut se rompre. Pour l’Eglise, dans le mariage, l’homme et la femme ne prennent pas seulement une série d’engagements, mais ils se donnent l’un à l’autre et ainsi Dieu les unit. Et donc pour l’Eglise le mariage est « indissoluble ». Même s’il y a séparation, le lien demeure. Et par conséquent si les conjoints séparés vivent avec un autre, ils sont « adultères ».

Dire que les conjoints qui vivent avec un autre sont « adultères » n’est pas, d’abord, un jugement moral, mais un constat, une description de la situation. Cependant, l’Eglise a défini une législation : les adultères sont écartés de la communion. Si l’adultère est temporaire, il pourra être pardonné et les personnes réintroduites à la communion, mais tant que la situation d’adultère dure, ils sont écartés de l’eucharistie. Mais, aujourd’hui cela fait débat. Est-il juste d’écarter de l’eucharistie ceux qui, après une première union, vivent ensemble durablement, en vivant honnêtement leurs relations et en élevant dignement leurs enfants ? Le Pape François invite les pasteurs et les communautés à accompagner les conjoints séparés et envisage pour eux une réconciliation eucharistique. Certes, nous sommes encore en recherche. Tout n’a pas été exploré dans ce débat. Cependant, très concrètement, ici, à Courthézon, nous faisons le choix de la réconciliation. Déjà plusieurs personnes, de tous âges, séparés et remariés vivent l’eucharistie. C’est discret, mais cependant connu de beaucoup.

En ce mois de janvier, François Lefevre participera à nouveau à l’eucharistie. Pendant trois ans, il en a été écarté. Je l’ai, personnellement, accompagné et il a cheminé. En consultant beaucoup d’entre vous, j’en suis venu à la conviction qu’il fallait, maintenant, poser cet acte de réconciliation. J’ai été et je reste très en contact avec Karine, sa femme. Je comprends que pour certains d’entre vous cela fasse difficulté. Nous n’appliquons pas dans sa rigueur la loi de l’Eglise. Cependant, je vous invite à l’accueil.

Tout au long de ces trois ans, j’ai beaucoup réfléchi sur le mariage, sur le pouvoir législatif de l’Eglise et sur la miséricorde. La miséricorde n’est pas un « attribut » de Dieu parmi d’autres. Dieu est miséricorde. En son être, il est miséricorde. Et c’est ainsi qu’il y a la béatitude : « Bienheureux les miséricordieux, car il leur sera fait miséricorde ». En effet, une « béatitude » associe l’homme à Dieu, le rend semblable à lui. Et j’invite chacun à surmonter le ressentiment du fils aîné, qui, à la différence de son cadet, est resté chez son père, mais refuse de participer à la fête de son frère qui était parti et qui est revenu. Mais le Père sort et lui dit : « Ton frère était perdu et il est retrouvé ! »

Dieu n’est pas un justicier qui punit implacablement les coupables pour anéantir le mal. Après le déluge, Dieu se « repend » : la Bible a ce mot extraordinaire : Dieu « se repend » ! Il reconnaît, en effet, que la destruction de l’humanité n’est pas la juste solution du mal, pourtant répandu sur toute la terre, et il promet qu’il n’y aura plus de déluge. C’est le signe de l’arc-en-ciel. Mais, en fait, dans le Nouveau Testament, Dieu va bien plus loin : il donne son Fils pour le salut de l’humanité. L’enfant que Marie dépose sur la paille de la mangeoire sera déposé sur le bois de la croix. La simplicité extrême de sa naissance annonce le dépouillement de sa mort. Et la mort de Jésus ne bénéficie pas seulement à quelques-uns, qui seraient moins pécheurs que les autres ou moins mauvais croyants. Elle bénéficie à tous. Nous le redisons à chaque eucharistie : le corps donné pour tous, le sang versé pour tous.

Il convient que dans sa pratique l’Eglise imite son fondateur, que le corps fasse ce que fait la tête. Que ceux qui se séparent et vivent avec un autre s’écartent temporairement de l’Eucharistie, c’est juste, mais lorsqu’une nouvelle situation stable est créée qu’ils continuent de l’être, cela n’est pas juste et n’est pas conforme à la miséricorde. Comment en frère chrétien puis-je priver mon frère de la nourriture du salut ?