« A Noël, la foi joint les extrêmes »

28 décembre 2018

Les événements s’étaient enchaînés. Au départ il y avait eu la décision d’Auguste, le recensement. Et, ensuite, la décision de Joseph. Il fallait aller à Bethléem  ! C’était urgent, mais la décision n’était pas facile à prendre. Marie était enceinte et le chemin, depuis Nazareth, allait être long et difficile. Cependant, Joseph avait le soutien de l’Ange du Seigneur, qui lui avait dit «   : Prends, chez toi, Marie, ton épouse.  » Et donc ils étaient partis. Marie montée sur l’âne et Joseph le tenant par la bride.

A Bethléem, c’était la cohue. Il n’y a plus de place, nulle part. Même pour une femme qui allait accoucher. Mais, voici que sur le côté de l’hôtellerie, il y avait le garage – je veux dire l’étable, avec un bœuf. C’est là qu’ils s’installèrent. «  S’installèrent  » est un bien grand mot  ! Et c’est là que, sans tarder, Marie mit au monde Jésus. Tout naturellement elle le déposa dans la mangeoire. C’était l’endroit le plus confortable.

Nous connaissons par cœur ce récit et nous n’hésitons pas à l’enjoliver. On peut dire que, dans ce domaine, nous les Provençaux on est champions du monde  ! Avec le meunier et la boulangère, avec Magali et Vincent, avec le ravi, on a tout inventé.

Ces inventions ne sont pas seulement charmantes. Elles sont pleines de vérité. C’est bien chez nous que Jésus naît. Bien sûr, il y a eu l’événement d’il y a deux mille ans - à vrai dire, on ne sait pas la date précise  ! Mais, Noël, ce n’est pas l’anniversaire de Jésus. Noël, c’est la célébration de la venue du Fils de Dieu dans le monde, dans notre monde.

Et cet événement est bouleversant. Un bébé qui naît ainsi, c’est bouleversant. A Montfavet, j’avais une petite paroissienne qui disait : «  bouleversifiant  »  ! Oui, la naissance Jésus est bouleversifiante  ! Mais, quand on affirme : «  le Verbe s’est fait chair  », quand on parle de l’incarnation du Fils de Dieu, on prononce des mots, certains font de la théologie et manipulent des concepts  ! mais on a le sentiment que l’on n’est pas capable de mesurer la chose.

Le Fils de Dieu est éternel, comme son Père. Il n’y a pour lui ni commencement, ni fin, ni naissance ni mort. Et il le créateur du monde. Dans le credo, on dit : «  de toutes choses, des choses visibles et invisibles  ». Ainsi le Fils de Dieu manipule les galaxies comme les enfants montent et démontent leurs légos. Et, sur la terre, il fait surgir la vie, il fait que l’homme émerge du sein des mammifères et il est présent à toute l’histoire humaine à ses drames comme à ses réussites.

Et le croyant fait l’expérience de l’intériorité. Devant Dieu, il dit : «  Tu es mon créateur et je suis ta créature. Tu es infiniment grand et je suis tout petit. Mais, je sais que tu poses ton regard sur moi, je sais que tu m’aimes.  » La foi, c’est vaincre la disproportion entre Dieu et l’homme, la foi, c’est oser dire que Dieu, l’infini, a soin de moi, qui suis un homme infime.

Au fond cela est rationnel. Si Dieu a créé le monde, il ne peut que s’intéresser à ses créatures et quand elles sont dotées d’intelligence et de liberté, il s’adresse à elles. Mais, à cette rationalité du Créateur vient s’ajouter la folie de l’incarnation. On peut s’étonner que l’infini s’adresse à l’infime, mais que l’infini devienne infime, là on passe les bornes du rationnel.

On passe la mesure  ! Ici, je vous fais remarquer que «  rationné  » et «  rationnel  » sont deux mots de même origine. Ce qui est rationné, c’est ce qui est mesuré, ce qui est rationnel, c’est ce que mesure notre intelligence, notre «  raison  ». L’incarnation, le Verbe fait chair, le Fils de Dieu devenu bébé dans une mangeoire outrepasse complètement la mesure de la raison. L’intelligence humaine, limitée à la raison, l’intelligence humaine «  rationnée  » par la limite ordinaire des choses, est incapable de mesurer l’incarnation. Cela s’accueille dans le cœur  ! Et la question pour nous est donc : «  Mon cœur est-il disponible  ?  »

Si notre raison est limitée, notre cœur l’est aussi  ! Nous nous aimons-nous-mêmes  ! Pourtant quand nous commençons à aimer, notre cœur se dilate, il devient grand et c’est alors que la foi devient possible. Elle ne peut pas résider dans un cœur étroit, limité, «  rationné  », mais elle peut s’épanouir dans un cœur large et ouvert.

Frères et sœurs, en cette nuit de Noël, ouvrons nos cœurs  ! Comme Abraham élargit les piquets de sa tente, élargissons nos cœurs, donnons leur capacité à accueillir ce qui est sans mesure, ce qui est illimité, l’infini dans l’infime, le Fils de Dieu déposé dans la mangeoire.

Et nous chanterons avec les anges, nous chanterons la gloire de Dieu  !